Papier de Claudio Rubiliani
Claudio Rubiliani - Maître de conférences honoraire en Biologie des Organismes, membre du directoire de l'OPS
Les DSD (pour Disorders of Sex Development ou Differences of Sex Development) correspondent principalement à des anomalies d’origine génétique ou épigénétique (c'est-à-dire de l’environnement in-utero) conduisant à une non-correspondance entre le sexe génétique et l’apparence morphologique ou à une ambiguïté de la morphologie sexuelle. Ces DSD (aussi dénommées VDG –variations du développement génital-en français) correspondent à la lettre « I » -pour intersexualité- du sigle hétérogène LGBTQIA+…Ces DSD sont d’origine biologique et sont donc à distinguer totalement des orientations sexuelles et de la "transidentité" qui ne sont pas d’origine biologique.
Peut-on toutefois établir certains liens entre DSD, orientation sexuelle ou transidentité ? Une méta-analyse publiée en 2021 (1) et s’appuyant sur 15 ans d’études de cas dans différents pays a essayé d’établir un bilan sur ce sujet.
Des conférences internationales, en 2006 puis en 2018 (2,3) ont tenté d’inventorier la grande diversité de ces DSD et établi un consensus de prise en charge pluridisciplinaire de ces intersexualités. En France, un arrêté du 15/11/2022 a fixé les « règles de bonne pratique de prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital ». Ainsi les réunions de concertation pluridisciplinaire nationales associent au moins un endocrinologue pédiatre, un chirurgien pédiatre de l’un des centres de référence et au moins un généticien, un juriste, une infirmière de coordination. Le professionnel de santé mentale assurant le suivi de l’enfant et sa famille participe avec une voix consultative. Le généraliste ou pédiatre de ville assurant le suivi courant de l’enfant est invité. Une consultation d’annonce et de présentation de la prise en charge est organisée avec l’enfant et ses parents. Toutefois, comme le souligne Murielle François (4), ce type de dispositif est contesté par des associations activistes « intersexes » ayant souffert naguère de prises en charge médicales et chirurgicales jugées inadaptées, traumatisantes, et se positionnant pour un « droit à l’autodétermination » du patient, sans prise en compte, donc, de l’avis des équipes pluridisciplinaires et des parents. Or, au-delà de la dangerosité physique et psychologique d’une éventuelle intervention tardive, nous savons aujourd’hui, à l’heure des réseaux dits sociaux, quelles sont les limites de ce « droit à l’autodétermination » pour les enfants et les adolescents, cibles faciles et privilégiées de toutes les manipulations mentales. Fort malheureusement, il apparaît que les institutions européennes, par démagogie et/ou idéologie, s’inscrivent dans ce mouvement « d’autodétermination de l’enfant », sans en mesurer les conséquences (voir par exemple le texte « Council of Europe Commisioner for Human Rights. Human rights of intersex people. Avril 2015, révisé Juin 2017). Parallèlement, la propension à donner du crédit à la « théorie du genre » par ces mêmes institutions tend à valider la notion de « sexe neutre » déjà adoptée par certains pays. Comme le souligne Murielle François : « Cette manœuvre d’effacement risque de participer à plonger [les DSD] dans un flou identitaire, celui-là même qui fait tant souffrir les intersexes… Cela se traduira potentiellement, entre autres, par une augmentation du taux de cas de dysphorie de genre chez l’enfant. » Dysphorie artificiellement induite, donc.
Les DSD sont estimées à 1 naissance sur 5500 ou 1 sur 4000 selon les diverses études et la prise en compte ou non d’anomalies mineures comme des hypospadias modérés (urètre ne débouchant pas à l’extrémité de la verge), ce qui représente en France environ 200 enfants par an.
De manière synthétique, les différents consensus établissent 3 grandes catégories de DSD à l’intérieur desquelles on observe des gradations.
1 - Les anomalies du caryotype : un chromosome sexuel en moins ou en trop. Les plus « courantes » sont le syndrome de Turner (caryotype 45X0 = il manque un chromosome X). Dans ce cas l’enfant se développe avec une morphologie féminine, sans ambiguïté (rappelons que le sexe féminin est biologiquement le sexe de base).On constate en général un retard statural, des anomalies osseuses et bien sûr aménorrhée et stérilité, les ovaires étant réduits à des bandelettes. Autre aberration chromosomique : le syndrome de Klinefelter (caryotype 47XXY) : l’enfant se développe avec une morphologie masculine, généralement sans ambiguïté ; de stature le plus souvent longiligne avec à la puberté une pilosité pauvre. La stérilité est constante avec azoospermie. Nous trouvons également le caryotype 47XYY – Syndrome de Jacob- qui donne une morphologie et des anomalies proches des Klinefelter. Il faut ajouter à cela les diverses variantes mosaïques de ces anomalies du caryotype. Dans ces divers cas d’anomalies chromosomiques, les études ne révèlent aucun écart dans l’orientation sexuelle ou l’identification sexuelle par rapport aux populations standards. (Le cas de Klinefelter rapporté dans l’ouvrage Transmania correspond en fait à un cas exceptionnel où, à l’anomalie du caryotype se surajoute une déficience enzymatique relevant d’une autre catégorie de DSD).
2 - Les DSD XX46. L’enfant se développe selon une morphologie allant de l’hermaphrodisme « vrai » (5% des DSD, dont 90% sont de caryotype XX), qui reste globalement inexpliqué, à une morphologie féminine incluant des caractéristiques masculines à des degrés variables avec, parfois, des malformations des organes génitaux externes telle l’atrésie vaginale (vagin aveugle) jusqu’à une morphologie plutôt masculine(pseudohermaphrodisme féminin). La grande majorité des cas est constituée par une hyperandrogénie dont les causes sont diverses, génétiques ou non : syndrome de La Chapelle (translocation du gène SRY sur un chromosome X, soit un caryotype XXY « caché » ) ; anomalies fœtales enzymatiques comme l’absence de l’aromatase convertissant les androgènes en oestrogènes ; hyperimprégnation androgénique par les glandes surrénales maternelles pendant la grossesse ; hyperplasie congénitale des surrénales du fœtus. Tous ces dysfonctionnement induisent une imprégnation cérébrale masculinisante in utéro. Au-delà de ces dysfonctionnements foeto-embryonnaires, on rencontre aussi – et c’est la première cause d’infertilité féminine - une hyperandrogénie acquise, qui se manifeste généralement à la puberté : le SOPK, syndrome des ovaires polykystiques, induisant une surproduction d’androgènes (dont la testostérone).
Les différentes études (1) montrent que chez ces DSD pouvant avoir grandi en tant que garçons ou filles, les problèmes d’identification sexuelle à l’âge adulte sont rares, en particulier lorsque l’apparence physique féminine est sans ambiguïté notable. Le sexe de développement pendant l’enfance est conservé. En revanche, Carole Hooven (5) signale que dans le cas des filles souffrant d’hyperandrogénie, l’homosexualité féminine serait supérieure au taux moyen standard (de l’ordre de 30% au lieu de 4%).
3 - Les DSD XY46. Elles sont aussi très diverses, pouvant aller de l’hermaphrodisme « vrai » (rarissime, donc, avec le caryotype XY) jusqu’à des modifications des organes génitaux externes masculins comme les hypospadias sévères, opérables. Mais les plus nombreuses sont ce que l’on nomme les pseudohermaphrodismes masculins ou cryptohermaphrodismes. Nous en distinguerons 2 catégories principales.
Première catégorie, très rare : les SICA – Syndrome d’insensibilité totale aux androgènes - ou Caryotypes Inverses - dus à une mutation invalidante du gène des récepteurs aux androgènes porté par le chromosome X. Aux SICA on peut aussi rapprocher les cas d’inactivation du gène masculinisant SRY porté par le chromosome Y. Le développement morphologique est féminin, sans ambiguïté, et le demeure tout au long de la vie. Mais la stérilité est totale ; le vagin est aveugle. Il n’y a ni trompes, ni utérus, ni ovaires mais des testicules restés intra-abdominaux. L’intersexualité peut demeurer totalement ignorée du sujet tout au long de sa vie si seul le diagnostic de stérilité avec aménorrhée est posé sans analyse du caryotype ou si aucune évolution tumorale des testicules internes, malheureusement fréquente, n’intervient. C’est semble-t-il le cas de la championne olympique de 100m en 1932, l’Américano-Polonaise Stella Walsh, dont le cryptohermaphrodisme ne fut découvert qu’en 1980 lors de son autopsie à la suite de son décès accidentel.. Il n’a été reporté dans les cas identifiés aucune variation dans les orientations sexuelles ni dans la transidentité (inférieure à 0,1%) par rapport à la population féminine standard (1).
Seconde catégorie : elle regroupe les SIPA (Syndrome d’insensibilité partielle aux androgènes), les 5ARD (Déficit de l’enzyme 5α réductase qui transforme la testostérone en DHT, hormone nécessaire au développement des caractères sexuels secondaires) et les 17HSD (déficit de l’enzyme 17ß-Hydroxystéroide-Déshydrogénase intervenant dans la biosynthèse de la testostérone et de la DHT à partir de l’androstènedione). L’enfant se développe avec une morphologie féminine mais, à la puberté, des caractères secondaires masculins apparaissent le plus souvent : pilosité, mue de la voix, transformation des organes génitaux externes…Ces bouleversements morphologiques inattendus, révélant -s’il n’avait pas été diagnostiqué auparavant- le pseudohermaphrodisme (voir le cas historique d’Alexina/Herculine Barbin) vont logiquement poser des problèmes d’orientation voire d’identification sexuelle. Les études sur ces cas spécifiques donnent des résultats variables de GID (Gender Identity Disorder) induits par ces DSD, allant de 13% à 64% de changement d’identité à la puberté, pour les études portant sur un nombre significatif de cas. [5 GID sur 38 cas DSD-5ARD pour Maimoun et al., 2021 ; 6 GID sur 16 cas DSD (5ARD+17HSD) pour Ismail et al., 2010 ; 82 GID sur 127 cas DSD (5ARD+17HSD) pour Cohen-Kettenis et al., 2005]. Il convient toutefois de noter que ces études ne précisent pas un paramètre essentiel à savoir : la demande de transition émane-t-elle des intéressés ou a-t-elle été « suggérée » par l’équipe médicale ? Nous noterons parallèlement que l’étude donnant le plus fort pourcentage de demande de changement de sexe provient, sans surprise, d’une équipe de la Vreije Universiteit d’Amsterdam, appliquant le Dutch Protocol qu’elle a initié et dont, face au rapport Cass, on peut aujourd’hui interroger la fiabilité des données (6) ainsi que les justifications fort peu convaincantes (7).
En conclusion, les liens entre DSD et orientation sexuelle ou transidentité sont très ténus et ne sont significatifs que dans des cas très particuliers d’intersexualité, loin d’être majoritaires et ces liens sont loin d’être systématiques. Murielle François précise que « les ré-assignements de sexe parmi les personnes ayant un DSD sont peu fréquents : 1 à 8 % de dysphorie de genre ». (4). Ce constat ne fait que confirmer l’artificialité du sigle LGBTQIA+ mêlant des problèmes biologiques, des préférences sexuelles, des problèmes psychologiques et des états d’âme aux causes diverses et non corrélées où seuls les activistes idéologisés peuvent trouver une cohérence.
Claudio Rubiliani
Merci à Jacques Robert, Caroline Eliacheff et Céline Masson pour leur relecture constructive.
Références
1- Babu, R & Shah, U., 2021. Gender Identity Disorder (GID) in adolescents and adults with Differences of Sex Development (DSD) : A systematic review and meta-analysis. J.Pediatr. Urol. 17, 39-47.
2-Hughes, I.A., Houk, C., Ahmed ; S.F., Lee. P.A. & LWPES1/ESPE2 Consensus Group.2006. Consensus statement on management of intersex disorders. www.archdischild.com. 554-563.
3- Cool, M. et al. 2018. Caring for individuals with a difference of sex development (DSD) : a Consensus Statement. Nature Reviews-Endocrinology. 14, 415-429.
4-François, M., 2020. Evolutions législatives et enjeux éthiques liés à la prise en charge des enfants ayant un trouble de la différenciation sexuelle (DSD). Médecine & Droit, 2020, 47-57.
5-Hooven, C., 2024. Testosterone. Fyp Editions.
6- Koener, B. et al., 2024. Prise en charge des mineurs présentant une « dysphorie de genre » : Remise en question du protocole médical appliqué par les cliniques de genre. Louvain Med., 143 (9-10) 575-585.
7- Oosthoek, E.D. et al., 2024. Gender affirming medical treatment for adolescents : a critical reflection on « effective » treatment outcomes. BMC Medical Ethics, 25-154, 1-20.
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