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Récits d’adultes enregistrées femmes à la naissance ayant commencé une transition médicale puis ayant détransitionné

  • Photo du rédacteur: La Petite Sirène
    La Petite Sirène
  • il y a 2 jours
  • 48 min de lecture

Narratives of Adults Registered Female at Birth Who Started a Medical Transition and Later Detransitioned - 7 avril 2025



 

Résumé


La visibilité et la présence des personnes ayant détransitionné après une transition de genre sont en augmentation, tout comme les recherches sur les besoins et les expériences de ce groupe. Cette étude présente une analyse narrative thématique d’entretiens menés avec six femmes (M = 25,5 ans ; plage = 21–32 ans). Toutes ont détransitionné après avoir reçu au moins un traitement médical ou chirurgical d’affirmation de genre dans le cadre d’une transition au Royaume-Uni. Quatre thèmes narratifs ont été développés pour saisir comment elles donnent sens à leur détransition : (1) les limites de la transition médicale, (2) les implications sanitaires à long terme, (3) les limites sociales de la transition, et (4) la détransition comme processus continu. Les participantes ont évoqué une variété de besoins en matière de soutien émotionnel, pratique et autre, en grande partie non satisfaits par les services de santé ou autres structures. Ces résultats soulignent l’importance de garantir que les personnes aient des attentes réalistes vis-à-vis de la transition, dans le cadre d’un processus d’évaluation holistique. Des recherches sur les effets à long terme sur la santé sont également nécessaires, notamment sur l’impact de la testostérone sur l’anatomie et la santé féminines. D’autres implications cliniques sont discutées, tant pour les personnes envisageant une transition que pour celles envisageant une détransition.


Introduction


Les personnes transgenres et de genre divers (TGD) vivent un décalage entre leur identité de genre et le sexe qui leur a été assigné à la naissance (Coleman et al., 2022). Certaines ressentent également une dysphorie de genre (DG), c’est-à-dire une détresse liée à ce décalage (Zucker et al., 2016), laquelle peut être d’ordre social et/ou corporel (Vandenbussche, 2022). Pour atténuer cette détresse, beaucoup entreprennent une transition de genre, impliquant des changements sociaux (par exemple, changement de prénom ou de pronoms, modification de l’apparence), juridiques (comme le changement de prénom ou de marqueur de sexe sur les documents officiels), et/ou médicaux. La transition médicale inclut des traitements médicaux ou chirurgicaux d’affirmation de genre (GAMSTs), qui visent à aligner l’apparence physique avec le genre ressenti à travers des traitements hormonaux ou des interventions chirurgicales (Hall et al., 2021 ; Keo-Meier & Ehrensaft, 2018).


Il n’existe pas de définition uniforme de la détransition parmi les chercheurs (Exposito-Campos et al., 2023 ; Jorgensen, 2023), mais la plupart incluent le processus d’interruption ou d’inversion d’une transition médicale, souvent lié à un changement dans la manière dont une personne se définit ou conceptualise son sexe ou son genre (par exemple, MacKinnon et al., 2023b). Ce processus peut être complet, partiel, définitif ou temporaire (Exposito-Campos et al., 2023). Ainsi, la détransition peut aussi comporter des aspects médicaux, juridiques et sociaux, dont les combinaisons varient et créent des expériences uniques pour chaque individu (Hildebrand-Chupp, 2020). Il existe également une diversité dans la manière dont les personnes interrompant ou inversant leur traitement médical se définissent : certaines se considèrent comme « détrans », d’autres se réidentifient avec leur sexe assigné à la naissance, tandis que d’autres conservent une identité TGD (Expósito-Campos, 2021 ; MacKinnon et al., 2023b). Hildebrand-Chupp (2020) propose de diviser la détransition en trois « types » : la détransition en tant qu’acte (arrêter ou inverser un aspect de la transition tout en maintenant une identité de transition), la détransition en tant qu’identité (liée à un changement de compréhension du genre et à une réidentification avec le sexe natal), et la détransition suite à une expérience de transition négative (souvent liée à des regrets). Il convient de noter que chez les jeunes enfants prépubères qui manifestent une diversité de genre (par exemple, via une transition sociale) sans recevoir d’intervention médicale, l’arrêt de ces changements est désigné sous le terme de « désistance » (Cohen et al., 2022 ; Exposito-Campos et al., 2023 ; Jorgensen, 2023). Toutefois, la désistance est un terme clinique et n’est pas utilisé comme terme d’auto-identification (Hildebrand-Chupp, 2020).


Les données provenant de cohortes antérieures suggèrent des taux de détransition faibles (par exemple, 2,2 %, Dhejne et al., 2014 ; 0,3–0,6 %, Wiepjes et al., 2018). Cependant, comme mentionné précédemment, les définitions de la détransition varient dans la littérature (Exposito-Campos et al., 2023), et de nombreuses études portent sur des adultes ayant « complété » leur transition médicale, y compris la chirurgie génitale reconstructive (White Hughto & Reisner, 2016), alors que l’on sait peu de choses sur celles et ceux qui n’ont pas eu accès à tous les traitements GAMSTs (Hall et al., 2021). Les chercheurs ont aussi constaté un taux élevé de perte de suivi des patients, dépassant 40 % dans certaines études (Exposito-Campos et al., 2023). Bien que toutes les personnes perdues de vue ne soient pas nécessairement en situation de détransition, il est probable que les personnes détransitionnant soient moins enclines à retourner dans les cliniques (par exemple, en raison de sentiments de honte, de stigmatisation ou de méfiance envers les soignants), ce qui empêche l’enregistrement de leurs résultats (MacKinnon et al., 2022a). En outre, la majorité des études ne font pas de suivi au-delà de 5 ans (MacKinnon et al., 2023a), la plupart ne dépassant pas 1 à 2 ans (Exposito-Campos et al., 2023), alors que des recherches récentes ont montré que la détransition est plus fréquente entre 5 et 10 ans après la transition (Gribble et al., 2023 ; MacKinnon et al., 2023a, 2023b). Par conséquent, le tableau actuel reste incomplet.


La démographie des personnes consultant les services de soins liés au genre a considérablement évolué ces dernières années, passant d’une majorité d’hommes adultes à une majorité d’adolescentes (Butler & Hutchinson, 2020 ; Jorgensen, 2023). La revue systématique de Thompson et al. (2022) a révélé qu’environ 64 % des diagnostics de dysphorie de genre (DG) sont aujourd’hui posés chez des personnes assignées femmes à la naissance. Le nombre de jeunes concerné·es a fortement augmenté (de Graaf et al., 2018 ; GIDS, 2022) : une analyse des données d’assurances santé privées et publiques entre 2017 et 2021 a montré que les diagnostics de DG ont presque triplé aux États-Unis, avec plus de 14 000 jeunes de 17 ans et moins ayant commencé à prendre des hormones d’affirmation de genre (Respaut & Terhune, 2022). Enfin, la diversité de genre est de plus en plus souvent associée à des situations complexes telles que l’autisme, les traumatismes ou des troubles de santé mentale (par ex. Kaltiala-Heino et al., 2015 ; Paz-Otero et al., 2021). Les causes de ces évolutions ne sont pas encore bien comprises (Butler et al., 2022), ce qui rend difficile la prédiction des résultats et des taux de détransition chez les personnes ayant récemment demandé de l’aide (Hutchinson et al., 2020 ; Jorgensen, 2023 ; MacKinnon et al., 2023a). Les données de cohortes plus récentes indiquent des taux de détransition beaucoup plus élevés que ceux observés auparavant (entre 7 % et 30 %) (Hall et al., 2021 ; Roberts et al., 2022) ; toutefois, ces études utilisaient également des définitions de la détransition non uniformes, ce qui rend les estimations fiables difficiles à établir.


Outre l’évolution des cohortes, l’approche médicale de la transition de genre a aussi changé. Avant septembre 2022, les personnes souhaitant entamer une transition devaient passer par un « test de vie réelle », qui les obligeait à vivre pendant une certaine période (parfois jusqu’à deux ans) dans leur rôle de genre ressenti avant d’avoir accès à toute intervention médicale. Ce modèle reposait sur une vision binaire du genre, selon laquelle la transition était perçue comme un passage vers le sexe « opposé » (Katz-Wise et al., 2023), reflétant une conception transnormative limitant la reconnaissance des identités non binaires ou fluides (MacKinnon et al., 2023b). Cependant, en septembre 2022, la 8e version des Standards of Care de la World Professional Association of Transgender Health (WPATH) a été publiée, supprimant l’exigence du test de vie réelle. Les soins médicaux aux personnes trans ont ainsi quitté le modèle binaire pour soutenir les individus dans l’accomplissement de leur identité de genre personnelle ou leurs « objectifs d’incarnation du genre » (Coleman et al., 2022). Cela correspond aux vécus des personnes TGD. Par exemple, Katz-Wise et al. (2023) ont constaté qu’au fil du temps, les jeunes trans avaient autant tendance à évoluer vers une identité de genre non binaire que vers une identité binaire. Cohen et al. (2022) ont noté plus de changements dans les demandes d’interventions médicales liées au genre chez les participant·es non binaires, et près de la moitié de leurs participant·es ont changé d’identité de genre au cours de l’étude. Les participant·es de MacKinnon et al. (2023b) ont rapporté plusieurs changements d’identité de genre parallèlement à leur détransition. En plus de ces changements identitaires, la recherche a aussi révélé un changement dans les objectifs corporels après le début des interventions médicales (MacKinnon et al., 2023b). Il convient de souligner que les premières recherches sur la détransition (ex. Kuiper & Cohen-Kettenis, 1998 ; Pfäfflin & Junge, 1998) ont eu lieu avant ces évolutions concernant les cohortes, l’approche médicale et les définitions, et peuvent donc ne plus être pertinentes aujourd’hui. De plus, ces premières études visaient principalement à comprendre la détransition pour en limiter l’occurrence, servant ainsi de filtre à l’accès à la transition, tandis que les recherches actuelles considèrent les personnes ayant détransitionné comme un sous-groupe ayant des expériences de vie et des besoins spécifiques en matière de soins médicaux et de santé mentale (Hildbrand-Chupp, 2020).


La détransition est un sujet controversé, certains craignant qu’elle ne soit utilisée pour remettre en question l’accès aux soins nécessaires pour les personnes TGD, ou qu’elle ne nourrisse une rhétorique anti-transgenre (MacKinnon et al., 2021 ; Slothouber, 2020). La détransition est stigmatisée, et les personnes concernées rapportent un manque de soutien, voire du rejet de la part de leur entourage (Vandenbussche, 2022), ainsi qu’un manque de prise en charge professionnelle tant dans les structures généralistes que dans les organisations LGBTQ+ (MacKinnon et al., 2023b). Cela conduit certaines personnes ayant détransitionné à éviter les services de santé, par honte ou par crainte de la stigmatisation (Littman, 2021 ; MacKinnon et al., 2023c ; Vandenbussche, 2022), ou par perte de confiance et sentiment d’avoir été abandonnées après avoir été encouragées à entamer une transition sans évaluation approfondie ni exploration d’alternatives pour traiter la DG (Exposito-Campos, 2021 ; Gribble et al., 2023 ; Sanders et al., 2023).


La détransition soulève des défis professionnels et bioéthiques majeurs pour la prise en charge médicale des personnes souffrant de DG (Expósito-Campos, 2021), et la visibilité des personnes ayant détransitionné a augmenté, notamment en ligne (Littman, 2021 ; MacKinnon et al., 2023b ; Marchiano, 2020). Bien que les Standards of Care actuels du WPATH (Coleman et al., 2022) reconnaissent la nécessité de soutenir les personnes envisageant une détransition, ils ont été critiqués pour leur manque de directives concrètes (GENSPECT, 2022). Parallèlement, les personnes ayant détransitionné rapportent systématiquement avoir besoin de plus d’informations et de soutien concernant leur santé mentale et leurs besoins médicaux (ex. arrêt des hormones, chirurgie de réversion, fertilité, etc. ; Gribble et al., 2023 ; MacKinnon et al., 2022b ; Sanders et al., 2023 ; Vandenbussche, 2022). En l’absence de connaissances ou de services adaptés, certaines choisissent de se désengager des structures médicales (MacKinnon et al., 2023a, 2023b), et se tournent plutôt vers d’autres personnes ayant détransitionné via les réseaux sociaux (Littman, 2021 ; MacKinnon et al., 2023b).


Les étapes de la détransition varient : elles peuvent inclure l’annulation partielle ou totale des changements médicaux, juridiques ou sociaux, lorsque cela est possible (Vandenbussche, 2022). Une multitude de facteurs ont été identifiés comme pouvant contribuer à la décision d’une personne de détransitionner. Exposito-Campos et al. (2023) les ont regroupés en cinq catégories : psychologiques, médicaux, sociaux, culturels et idéologiques.

Les facteurs psychologiques incluent des doutes ou des fluctuations dans l’identité de genre, l’absence d’amélioration ou l’aggravation de la santé mentale, la résolution de la dysphorie de genre ou la découverte d’autres moyens de la gérer. Sanders et al. (2023) ont également constaté que certaines personnes se sentaient inauthentiques dans leur genre transitionné. Alors que Littman et al. (2024) ont trouvé que certaines personnes devenaient plus à l’aise avec leur sexe de naissance, Cohen et al. (2022) ont montré que d’autres arrêtaient les interventions médicales une fois leurs objectifs liés au genre atteints.

Les facteurs médicaux comprenaient des préoccupations ou problèmes de santé physique, des inquiétudes concernant la fertilité, et l’insatisfaction vis-à-vis des résultats des traitements médicaux.

Les raisons sociales, davantage externes, incluaient le manque de soutien ou de compréhension de la part d’autrui, l’absence de ressources financières, des raisons juridiques ou des difficultés à accéder aux soins médicaux.

Les raisons culturelles incluaient la conformité aux normes de sa culture d’origine, ou la prise de conscience d’un lien entre la dysphorie de genre et la misogynie ou l’homophobie intériorisées.

Les raisons idéologiques incluaient le rejet des stéréotypes de genre, un changement de convictions idéologiques, ou la prise de conscience de l’impossibilité de changer son sexe de naissance.


MacKinnon et al. (2023b) ont interviewé 28 personnes ayant vécu une détransition, et ont classé leurs raisons (toutes reflétées dans les catégories d’Exposito-Campos et al., 2023) en quatre « trajectoires de détransition » :

1. Discrimination et répression de l’identité TGD : ces raisons externes ont été rapportées uniquement par des femmes trans, qui ont ensuite retransitionné ou se sont identifiées comme non binaires.

2. Arrêt des hormones d’affirmation de genre et évolution de l’identité : ces personnes pouvaient avoir ressenti des effets secondaires médicaux, mais ont vu leur détransition comme une opportunité de croissance et de réévaluation de leurs objectifs d’incarnation.

3. Transition binaire vers détransition non binaire : ces participants estimaient avoir initialement poursuivi une transition binaire à cause de normes culturelles transnormatives et de pressions pour une transition médicale. Certains ont mentionné des sentiments de regret.

4. Développement de l’identité de “detrans” dans un contexte social : un changement de contexte social a offert une opportunité de détransitionner et de dépasser le sentiment de honte associé, souvent en découvrant de nouvelles communautés en ligne de personnes “detrans”, en particulier chez les femmes de naissance.


Ces typologies illustrent la complexité de la détransition, qui résulte d’interactions entre facteurs internes et externes et s’accompagne d’une diversité de réponses émotionnelles.


Un soutien continu est nécessaire après une détransition, car si certaines personnes peuvent en tirer un sentiment positif (Pullen Sansfaçon et al., 2023) et considérer la transition/détransition comme une étape importante de leur développement (Littman, 2021 ; Pullen Sansfaçon et al., 2023 ; Turban & Keuroghlian, 2018), d’autres rapportent des sentiments ambivalents ou de la détresse (Pullen Sansfaçon et al., 2023), parfois en raison des changements physiques permanents résultant de la transition (MacKinnon et al., 2022a ; Sanders et al., 2023).


Pour certaines, la détransition peut faire réapparaître une dysphorie de genre (MacKinnon et al., 2023a), soit liée de nouveau au sexe de naissance, soit iatrogène, résultant des modifications corporelles dues aux traitements médicaux (MacKinnon et al., 2023a), ou encore causée par le fait d’être encore perçue comme trans après la détransition, en raison de changements physiques (un phénomène qualifié de « dysphorie inversée » ; MacKinnon et al., 2022a).


Certaines personnes regrettent des aspects de leur transition (ex. : les résultats chirurgicaux), et détransitionnent pour cette raison, mais ce n’est pas le cas de toutes. Certaines personnes détransitionnent sans ressentir de regret (Jorgensen, 2023 ; MacKinnon et al., 2022b), et pour d’autres, les sentiments de regret et de satisfaction coexistent (Pullen Sansfaçon et al., 2023). Exposito-Campos et al. (2023) soulignent qu’une grande partie de la littérature plus ancienne assimilait systématiquement la détransition à un regret, même lorsque la personne n’exprimait pas ce sentiment, ni ne le désignait comme facteur déterminant dans sa décision. Ces auteur·ices insistent sur le fait que les sentiments de regret varient en intensité, en durée, et en facteurs déclencheurs (par exemple, complications médicales après une intervention ou changement d’identité). Il ne faut donc pas supposer que toutes les personnes qui détransitionnent regrettent leur transition.


Il est donc clair que la détransition est un phénomène extrêmement complexe, avec des définitions changeantes, un paysage socioculturel en constante évolution, et de nouveaux modèles de soins. Ces dernières années ont vu une augmentation des recherches dans ce domaine, ainsi qu’un appel croissant en faveur de recherches qualitatives afin de mieux comprendre la diversité des expériences vécues par les personnes ayant détransitionné, dans le but ultime d’améliorer les soins de santé (Hall et al., 2021 ; Hildbrand-Chupp, 2020 ; Littman, 2021 ; MacKinnon et al., 2023a). Étudier les expériences des personnes ayant détransitionné s’inscrit dans les priorités des spécialistes de la santé trans (Veale et al., 2022).


La présente étude répond à cet appel, en visant à obtenir une compréhension nuancée des récits personnels et des processus de construction de sens chez des personnes ayant détransitionné au Royaume-Uni. Cette étude s’est concentrée sur des personnes assignées femmes à la naissance, en raison de leur présence croissante dans les services spécialisés.


 

Méthodologie


Participants


Six participantes ont été interviewées, résidant à travers le Royaume-Uni, âgées de 21 à 32 ans (moyenne = 25,5 ans) au moment de l’entretien. Avant l’entretien, quatre participantes s’identifiaient comme femmes, et deux ont choisi l’option « préfère ne pas répondre ». À la fin de l’entretien, on a demandé aux participantes comment elles souhaitaient être désignées dans ce rapport, ainsi que leurs préférences en matière de pronoms et de pseudonymes. Toutes ont choisi d’être désignées comme femmes (pronoms elle), précisant que cela visait à apporter de la clarté quant à leur conviction d’être biologiquement femmes, même si elles se sentaient parfois encore confuses à propos de leur identité de genre, étaient parfois genrées au masculin, ou préféraient ne pas penser au genre dans leur vie quotidienne.


Quatre participantes s’identifiaient comme Blanches britanniques, deux comme Blanches (autres). Trois se décrivaient comme lesbiennes, une comme asexuelle/lesbienne, et deux comme bisexuelles. Quatre avaient reçu un diagnostic d’autisme ou de TDAH, et toutes avaient connu des difficultés de santé mentale et/ou une dysphorie de genre. Deux ont décrit une trajectoire de genre débutant dans l’enfance, deux à l’adolescence, et deux à l’âge adulte, en lien avec la dysphorie de genre et/ou une identité TGD. Toutes avaient pris de la testostérone pendant une période allant d’un à cinq ans, à des âges compris entre 17 et 24 ans, et quatre avaient subi une double mastectomie (âges non précisés). La durée depuis leur détransition allait de deux mois à cinq ans.


Procédure


Afin d’enrichir la compréhension et la construction des savoirs, une experte concernée (assignée femme à la naissance, ayant interrompu une transition médicale, s’identifiant comme femme, et utilisant les pronoms masculins ou féminins) a été recrutée via Reddit et a examiné la conception de l’étude ainsi que les supports de recherche.


Les participantes ont été recrutées en ligne via Twitter, le subreddit r/detrans, un groupe Facebook de discussions sur les questions de genre, et le site web de The UK Detransition Advocacy Network. Les critères d’inclusion étaient : avoir plus de 18 ans, être enregistrée femme à la naissance, parler couramment l’anglais, et avoir effectué puis interrompu une transition au Royaume-Uni. La transition était définie comme l’initiation d’au moins un traitement médical ou chirurgical d’affirmation de genre (GAMST), afin d’assurer la spécificité de l’échantillon. La détransition était définie comme l’arrêt d’une transition ou le fait de s’auto-identifier comme ayant détransitionné, quelle qu’en soit la raison. Dans un souci d’inclusivité et de diversité des récits de détransition, l’annonce accueillait explicitement les personnes de toute identité de genre, expression de genre ou orientation sexuelle (ou aucune).


Mesures


Après avoir obtenu le consentement éclairé écrit et verbal, la première autrice a mené des entretiens individuels approfondis en visioconférence via Microsoft Teams, en adoptant une approche biographique (« life history », Wengraf, 2001). Les participantes ont été invitées à raconter leur histoire de transition et de détransition, incluant toutes les expériences qu’elles jugeaient importantes.


L’un des avantages de cette approche est qu’elle permet aux participantes de structurer elles-mêmes leur récit, en mettant en avant leur perspective et les éléments qu’elles estiment significatifs. Cela diffère des entretiens semi-directifs, où c’est le chercheur qui détermine les sujets d’intérêt (Mishler, 1986). L’intervieweuse avait pour objectif d’écouter sans interrompre, en offrant un soutien facilitateur (par exemple : écoute attentive, signaux non verbaux). Une fois le récit terminé, elle posait des questions de suivi portant sur les thèmes évoqués par la participante, en reprenant leur langage et dans l’ordre de présentation, afin de susciter des récits plus détaillés (ex. : « Pouvez-vous m’en dire plus sur X ? » ; « Que s’est-il passé ensuite ? »).


Lorsque certains sujets d’intérêt pour la recherche n’étaient pas spontanément abordés, des questions complémentaires étaient posées pour explorer s’ils étaient pertinents dans le cadre de leur récit (par ex. : relation au corps, espoirs/craintes, sexualité, stigmatisation ou discrimination). Des aménagements raisonnables ont été prévus pour répondre aux besoins liés à la neurodiversité ou à la santé mentale (par exemple : pauses, ou augmentation des questions facilitatrices pour soutenir la narration).


À la suite de l’entretien, toutes les participantes ont participé à une séance de débriefing pour réfléchir aux aspects relationnels et au processus de narration de leur histoire, poser des questions, explorer leurs propres interprétations, et discuter de leurs intentions quant au partage de leur récit. Cela incluait une réflexion sur les enjeux éthiques liés au déséquilibre de pouvoir inhérent au processus de recherche.


Les entretiens ont eu lieu entre janvier et mars 2021, ont duré entre 60 et 190 minutes, et les participantes ont été rémunérées 15 £. Les entretiens ont été retranscrits mot à mot.



Analyse des données


L’analyse narrative thématique (Thematic Narrative Analysis, TNA) a été utilisée pour étudier la manière dont les personnes donnaient sens à leurs expériences et parlaient d’elles-mêmes et de leurs identités en évolution dans le temps (Riessman, 2008). La TNA permet une analyse à plusieurs niveaux, approfondissant comment les expériences individuelles sont façonnées en lien avec les récits socioculturels plus larges, et révélant ainsi la dimension temporelle, émotionnelle et contextuelle des vies (Braun & Clarke, 2013). Elle cherche à identifier les thèmes liés à la manière dont les histoires sont racontées ou construites (Riessman, 2008).


Les étapes suivantes ont été menées de façon itérative pour s’engager dans les données : écoute répétée, lecture et relecture des données ; identification des récits ; analyse du contenu des récits (ce qui est dit) ; analyse de la structure (comment c’est dit) ; élaboration de trames narratives ; et développement de thèmes narratifs au sein et entre les récits. Ces thèmes ont été affinés à travers des discussions avec l’équipe de recherche, incluant une experte concernée, jouant le rôle d’« amie critique » (critical friend, Campbell et al., 2004).


L’analyse visait à rester fidèle aux significations et aux perspectives des participantes, en utilisant leurs propres mots autant que possible (Riessman, 2008). La fiabilité de l’analyse repose sur sa force persuasive, sa plausibilité, le soutien apporté par les preuves, la prise en compte de données contradictoires, et l’examen d’interprétations alternatives (Riessman, 2008).


Cependant, les récits sont aussi des pratiques sociales — des performances relationnelles plutôt qu’un contenu statique (Smith & Sparkes, 2006). En ce sens, les récits sont co-construits, et en tant que femmes cisgenres, les autrices ont pratiqué une réflexivité régulière : elles ont évalué de manière critique l’influence de leurs expériences de vie, valeurs, croyances et vécus corporels sur le processus de recherche (Couture et al., 2012 ; Sparkes & Smith, 2015). Elles se sont interrogées mutuellement sur leurs présupposés, sur le langage utilisé et sur les idées sous-jacentes à celui-ci. Des temps ont été spécifiquement dédiés à ces discussions, complétés par des lectures supplémentaires, permettant une compréhension plus profonde de questions qu’elles n’avaient pas vécues elles-mêmes.


Les trames narratives individuelles et les thèmes en développement ont été partagés avec les participantes (bien qu’aucune réponse n’ait été reçue), puis discutés avec l’experte concernée ainsi qu’une clinicienne ayant une expérience du travail avec des jeunes TGD. L’experte concernée, en se basant sur sa propre expérience et sa participation à des forums sur la détransition, a indiqué que les résultats faisaient écho à ses propres vécus et à ceux d’autres personnes, et a suggéré des pistes d’approfondissement de certaines parties de l’analyse. La clinicienne a également apporté des retours utiles et des éclairages sur la signification des récits recueillis.


 

Résultats


Toutes les participantes ont raconté des récits qui montraient à la fois des éléments conformes et en rupture avec les récits culturels autour de la transidentité (Bruner, 1991). Pour chacune d’elles, la dysphorie de genre avait été initialement interprétée comme signifiant qu’elles étaient transgenres ou de genre divers. Elles pensaient que la transition allait soulager leur détresse ou améliorer leur vie.


Quand cela ne s’est pas produit, elles ont commencé à remettre en question si la transition avait vraiment du sens pour elles.


Quatre thèmes narratifs ont été développés pour comprendre comment elles donnaient du sens à leur détransition :


1. Les limites de la transition médicale

2. Les implications sur la santé à long terme

3. Les limites sociales de la transition

4. La détransition comme un processus continu


Les limites de la transition médicale


La transition était perçue comme limitée dans sa capacité à résoudre la dysphorie ou la détresse. Trois participantes ont rapporté que la transition avait intensifié leurs sentiments dysphoriques, le malaise se déplaçant vers des parties de leur anatomie féminine qu’elles ne pouvaient pas modifier.


Luda (21 ans, lesbienne/asexuelle, autiste), qui se décrivait comme une « enfant typiquement dysphorique », disait :


J’ai toujours eu — et j’ai encore — une dysphorie de genre, donc j’avais l’impression que [la testostérone] aidait pour ça… J’aimais ça… puis j’ai commencé à me dire : « Si je prends des hormones pendant 20 ans, si je fais une chirurgie du haut, si je fais une chirurgie du bas, est-ce que je vais simplement trouver autre chose ? » Tant qu’on ne peut pas m’enlever tous les os et tout le reste, j’avais l’impression que je trouverais toujours quelque chose qui ne me convient pas… c’était juste vain… j’aurai toujours de la dysphorie.

Son souvenir d’enfance selon lequel « le transsexualisme ne semblait pas assez réel par rapport à ce que je ressentais » semble s’être confirmé dans son expérience adulte. Le récit de Luda semblait résister aux contre-narratifs (comme l’autisme ou le lesbianisme) pour expliquer son vécu, peut-être pour souligner la validité de sa dysphorie de genre, ou pour dire que même les cas dits « classiques » peuvent ne pas bénéficier de la transition médicale.


Susie (22 ans, lesbienne, autiste) a décrit une expérience similaire : les sentiments dysphoriques se déplaçaient et s’intensifiaient après le début de la testostérone. La focalisation intense sur son corps renforçait peut-être le décalage entre ce qu’elle ressentait et ce qu’elle voyait :


Je restais là à me regarder dans le miroir, et c’était en partie la dysphorie, en partie la dysmorphie. Dans le monde extérieur, je me présentais comme un homme, puis je rentrais chez moi, face à la réalité de mon corps féminin, et ce décalage était très dur à gérer… Je ne me sentais pas comme une vraie personne, tu vois, et la dysphorie ne faisait qu’empirer… Je me disais : « Je suis censée aller mieux. »

Elle se sentait isolée, incapable de se connecter aux autres, ne voulant pas être perçue comme une femme. Ses doutes réapparaissaient :


Il y avait toujours une part de moi qui se disait : la raison pour laquelle tu penses être un homme, c’est parce que tu as lu toutes ces fanfictions, parce que tu t’es obsédée pour ces personnages fictifs — et ça, ce n’est pas réel, c’est de la fantaisie.

En lutte avec sa sexualité et son isolement, Susie avait cherché en ligne des raisons expliquant pourquoi elle ne se sentait pas à sa place. Mais à mesure que sa santé mentale se détériorait, elle en est venue à voir son sexe comme immuable, et à réaliser que la transition n’était pas la solution :


Je me disais juste que peu importe ce que je ferai, je serai toujours biologiquement une femme — toutes les hormones et les chirurgies, c’est un peu cosmétique, ça change mon apparence mais pas ce que je suis. Et c’est moi, ce que je suis, que je n’acceptais pas.

Anabelle (32 ans, bisexuelle, autiste) a parlé d’une « haine de soi fluctuante » envers son corps « entre-deux » sous testostérone, et d’une « haine immédiate » de ses cicatrices de mastectomie, ce qui l’a conduite à regretter cette intervention. Elle a envisagé le processus long de phalloplastie, tout en doutant de sa capacité à répondre à ses attentes :


Je me disais aussi que ce ne serait jamais réel… que ce ne serait jamais un vrai corps biologique, que ce serait toujours un corps fabriqué… Je me suis dit : « Non, je ne veux pas ça », moi, je voulais de l’authenticité.

Elle reliait cela à son profond désir d’avoir une relation. Elle craignait que son corps médicalement modifié ne paraisse pas « assez réel » pour un·e partenaire. Bien qu’elle ait reconnu que ce n’était peut-être pas objectivement vrai, c’était un sujet important pour elle, qu’elle reliait à une forme de pensée en « tout ou rien » liée à l’autisme.


Emma (29 ans, bisexuelle), après avoir subi une double mastectomie qu’elle trouvait « esthétiquement libératrice », s’est surprise à se demander pourquoi elle ne se sentait pas mieux :


Je passais pour un homme 100 % du temps… J’avais atteint ce que je voulais atteindre… et c’était super !… mais il a suffi d’un peu de temps pour que je réalise que la testostérone et la chirurgie du haut n’effacent pas comme par magie les problèmes mentaux que tu as… et je me souviens m’être assise en pensant : « Je ne comprends pas pourquoi la transition n’a pas fonctionné comme tout le monde me l’avait dit, pourquoi est-ce que je me sens encore aussi merdique ? » et ensuite j’ai pensé : « Bordel, et si la transition n’était pas ce dont j’avais besoin ? »

Ses anciens doutes, liés au fait de ne pas avoir ressenti de dysphorie de genre durant l’enfance, sont réapparus, l’amenant à craindre d’avoir été emportée par la « vague » de transition en ligne. Tentant sans succès d’accéder à une thérapie pour parler de ses regrets, elle se souvient avoir dit :


« Entre autres choses, j’ai fini par comprendre que je ne serai jamais un vrai homme, je vis essentiellement dans le mensonge. »

Pour Sarah (27 ans, lesbienne, autiste), la gravité de l’opération chirurgicale l’a profondément choquée et a marqué un tournant dans son parcours :


J’ai fait la mastectomie… Je ne savais pas du tout ce que ça faisait d’être physiquement vulnérable à ce point… c’est déjà assez terrible d’être là, dans ce lit d’hôpital, misérable à mourir, en réalisant à quel point c’est horrible… imagine te réveiller avec une phalloplastie que tu ne voulais pas… je me suis dit : « Ça doit s’arrêter, parce que la transition ne fonctionne pas. »

Elle s’est sentie trahie par la façon dont la transition est présentée au sein de la communauté trans :


« Tout le monde te dit que la mastectomie, c’est rien du tout, c’est un énorme mensonge. Une double mastectomie est une opération médicale sérieuse. »

Sa convalescence a été lente et difficile, et cela l’a poussée à remettre en question ses choix, pesant les coûts face à la prise de conscience que les interventions médicales ne pourraient jamais modifier son corps au point de satisfaire son désir d’être un homme :


Un des sentiments qui me reste… c’est que je veux toujours être un homme, et malheureusement, je ressentais déjà ça après trois ans sous testostérone, avec une barbe. Et dans la communauté trans, on n’a pas le droit de vouloir être un homme, parce que tu es censé croire que tu es un homme. Mais moi, je ne le croyais pas, et je ne l’étais pas.

En résumé, les participantes semblent avoir détransitionné en partie à travers la prise de conscience des limites des interventions médicales — qu’elles ne pouvaient pas transformer leur corps en un corps masculin, qu’elles ne pouvaient pas résoudre leur dysphorie, ni régler les difficultés de leur vie.

Au contraire, elles ont réalisé qu’elles ne pouvaient pas changer la réalité de leur corps sexué ; les changements leur ont paru cosmétiques, voire nuisibles.


Les implications sur la santé à long terme


Ce thème reflète l’anxiété des participantes face aux effets connus et inconnus de la testostérone sur leur anatomie féminine, peut-être en lien avec un changement de priorités en grandissant. Elles ont mis en lumière leur propre manque de connaissances sur l’impact des traitements médicaux ou chirurgicaux d’affirmation de genre (GAMST), et ont exprimé des préoccupations éthiques, tant pour elles-mêmes que pour la société.


Susie a partagé son expérience lors de l’évaluation, en apprenant les conséquences de la prise de testostérone :


Même à ce moment-là… après six ans (à vouloir transitionner), je ne savais pas que prendre de la testostérone signifiait que ton utérus allait s’atrophier, et que tu aurais besoin d’une hystérectomie à un moment donné. Je n’en avais aucune idée, je ne savais même pas vraiment ce que signifiait l’atrophie.

Désespérée de commencer, elle avait ignoré cette information, mais le risque d’infertilité restait présent dans son esprit.


Charlotte (22 ans, lesbienne) avait des préoccupations similaires, se sentant accablée par l’engagement constant qu’impliquait un parcours médicalisé :


Je me souviens avoir eu une conversation avec ma mère… et j’ai dit : « Eh bien, ils m’ont parlé d’une hystérectomie, donc je pourrais faire une congélation d’ovocytes avant, » et oui, je me souviens avoir soudainement pensé : « Oh, tout ça est vraiment épuisant. »

Pour Sarah, la prise de conscience accrue des antécédents médicaux familiaux, ainsi que le fait d’avoir été confrontée à des personnes atteintes de maladies chroniques, ont renforcé l’importance de la santé physique et soulevé des inquiétudes éthiques quant aux limites des connaissances médicales actuelles :


Je m’inquiète vraiment des questions éthiques liées au fait que des gens soient sous [testostérone] pendant des années, sans qu’on sache ce que ça fait sur le risque cardiovasculaire, le risque de démence… on a créé un groupe de personnes avec des besoins médicaux très complexes, et je ne veux pas avoir plus de besoins médicaux que nécessaire, c’est déjà assez difficile comme ça.

Luda craignait de mourir jeune avant d’avoir pu accomplir quelque chose dans sa vie. Elle a choisi de donner la priorité à cet objectif plutôt qu’à ce qu’elle a qualifié d’« illusion » de devenir un homme :


Le manque de certitudes médicales a été un facteur très, très important dans ma décision d’arrêter aussi, parce que je me suis dit : « Je veux faire quelque chose de ma vie, je ne veux pas mourir jeune sans avoir rien accompli. »

En résumé, les participantes étaient préoccupées par les conséquences médicales de la transition — tant celles connues qu’inconnues — et par les effets à long terme des interventions médicales sur leur corps, ainsi que sur leur vie. Les limites des connaissances médicales actuelles concernant l’effet de la testostérone sur le corps féminin pesaient lourdement sur leur esprit et généraient de l’anxiété.


Les limites sociales de la transition


Ce thème concerne les façons complexes dont la transition a modifié l’expérience sociale des participantes, influençant leur sentiment d’identité et leurs opinions politiques. La plupart ont exprimé avoir ressenti, en grandissant, qu’elles étaient différentes des « autres filles », comme l’a dit Sarah :


« Je n’étais pas comme les femmes autour de moi, elles portaient toutes du maquillage et aimaient les garçons. »

Elles se percevaient comme différentes, en comparaison aux idéaux stéréotypés de la féminité et de la condition féminine dominants dans les cultures occidentales et parmi leurs pairs à l’adolescence. Cependant, une fois identifiées comme hommes, certaines se sont senties différentes des « autres hommes ». À mesure que l’identité trans de Susie s’effaçait, elle a remis en question la logique de s’identifier comme un homme :


Je réalisais que je ne m’identifiais en fait à aucun homme… j’en avais même un peu peur, et je me disais : tout ce que je sais sur le fait d’être un homme, je l’ai appris à la télé, dans les films, dans la fiction ; les hommes auxquels je m’identifiais étaient fictifs, écrits par des femmes pour d’autres femmes.

Pour d’autres, cette réévaluation est survenue une fois qu’elles ont réussi à « passer » pour des hommes. Vivre de façon « stealth » (cachée) a mis en évidence chez Charlotte son incapacité à se connecter aux hommes ou à la masculinité. Elle n’aimait pas les effets masculinisants de la testostérone, se sentait mal à l’aise dans son corps et socialement maladroite. Elle trouvait épuisant et artificiel de devoir se conformer à l’image d’un homme, en réprimant ses gestes et centres d’intérêt féminins, et en évitant que les gens « la grillent ». Elle a déclaré :


J’ai soudain réalisé que je ne pouvais plus regarder aucune de mes photos d’enfance… Je vais devoir pour toujours… cacher des choses aux gens.

À mesure que ses perspectives s’élargissaient au-delà de l’université, elle a commencé à remettre en question son avenir :


J’ai commencé à me dire : « Est-ce que je peux vraiment m’imaginer vieillir en tant qu’homme ? »… Je m’imaginais toutes les femmes amies entre elles, tous leurs maris copains entre eux, qui vont boire des bières… et je n’arrivais pas du tout à m’identifier à ça.

Elle regrettait sa féminité et ses relations étroites avec d’autres femmes, se sentant exclue quand ses amies la traitaient comme un homme à part :


Elles disaient des choses sur les hommes, puis ajoutaient : « Oh, mais pas toi, » et je me sentais à nouveau complètement aliénée… parce que dans ma tête, inconsciemment, je me disais : « Je fais toujours partie de ce groupe »… puis j’ai réalisé : « Ah oui, c’est vrai, maintenant, je ne suis plus dedans. »

De manière similaire, après sa mastectomie, Anabelle a apprécié la liberté de pouvoir « passer » sans bandage de poitrine. Elle se sentait plus confiante en étant perçue comme un « gars normal » et avait commencé l’université. Alors qu’elle commençait à créer des liens avec des femmes pour la première fois, son sentiment d’appartenance a évolué :


Je commençais à avoir des doutes… je pense que c’est parce que je me faisais de plus en plus d’amies, et maintenant toutes mes amies sont des filles… j’étais acceptée par elles, et je me disais : « Et si j’avais envie d’être plus comme elles ? »

Elle ne s’identifiait plus aux hommes dans ses interactions sociales, trouvant les conversations avec eux gênantes :


« Je ne me sentais pas comme l’un des gars, je me sentais comme l’une des filles. »

Elle se sentait plus libre dans son expression, regrettait certains aspects de sa féminité, et s’est surprise à admirer d’autres femmes :


Je ne ressentais plus ça pour les gars… genre, voir un gars et se dire : “Wow, j’aimerais trop ressembler à ça,” ce sentiment avait disparu.

En fait, avoir une amie très féminine a changé sa vision de ce que pouvait être une femme :


Je pense que ça m’a montré que j’étais un peu, je sais pas… biaisée contre certains styles… tu peux avoir tout ce maquillage, ces ongles, et pourtant ne pas être écervelée — elle est super intelligente, elle bosse dur.

Cela suggère que vouloir échapper à des visions étroites de la féminité pourrait avoir influencé la transition d’Anabelle. Se rapprocher des femmes à l’âge adulte l’a amenée à reconsidérer ses idées antérieures.


Sarah, qui avait développé une identité trans via des blogs, le militantisme et ses relations, a décrit un moment de rupture lorsqu’elle « passait » pour un homme :


Je me suis dit : « Est-ce que je veux être un homme dans le monde réel ? » Être un homme dans un bureau lambda, c’est très différent d’être un homme dans ta bulle étudiante hyper-libérale… Les gens ne comprendront pas que je suis trans… Je me disais : « Merde, les gens pensent juste que je suis un homme — c’est super déprimant, ce n’est pas ce à quoi je m’attendais. »

Elle se sentait profondément malheureuse que les femmes ne la reconnaissent plus comme une femme, ne voulant pas qu’elles la traitent comme un homme. Pourtant, elle ne se sentait pas non plus comme une « femme normale », s’identifiant davantage aux hommes trans. Elle n’arrivait pas à se conformer aux normes sociales masculines, ce qui faisait qu’elle était perçue comme un homme non conforme ou homosexuel. Aucun de ces rôles ne lui convenait, ce qui alimentait sa désillusion :


Je ne veux pas avoir à entrer dans le marché de la séduction… en tant qu’homme, parce que je ne sais pas comment être un homme hétéro… Je ne me sentais pas capable de sortir avec des femmes en tant qu’homme, alors que c’était ce que je désirais le plus… Je réalise… je ne pouvais pas être une femme, mais je ne peux pas non plus être un homme, et je ne veux pas devenir genderqueer… je ne pense pas que ça résoudrait quoi que ce soit pour moi… alors j’ai arrêté de m’injecter de la testostérone.

Étant donné la dimension sociale des rôles de genre, Sarah a évoqué le fait que l’autisme avait pu rendre plus difficile pour elle l’adaptation à des normes sociales cisgenres :


Si j’avais transitionné sans être autiste, j’aurais peut-être mieux réussi à être un homme, car j’aurais pu adopter plus facilement les codes sociaux masculins. Je connais des hommes trans pour qui ça marche très bien… ils donnent parfaitement l’image d’un jeune homme sympa.

Après avoir arrêté, Sarah se retrouvait coincée entre une réalité extérieure où elle vivait comme un homme, et une réalité domestique où elle était aidante familiale. Cela a accru sa frustration vis-à-vis de la transition :


C’était comme : « J’ai mis tant d’efforts pour devenir un homme… et ça n’a servi à rien… tu peux changer ton apparence, ta voix, ton corps, tu peux faire tout ça… mais tu ne peux pas annuler une vie entière de socialisation, tu ne peux pas complètement transformer qui tu es et d’où tu viens, » et le comble, c’était qu’on me disait alors que j’étais un homme et que je bénéficiais du privilège masculin.

Elle a donné de nombreux exemples montrant comment les normes genrées sur les rôles sociaux créaient de nouveaux problèmes, différents de ceux qu’elle avait connus en tant que lesbienne non conforme. Par exemple, naviguer dans le sexisme typique en tant qu’homme trans, ou se faire dire qu’en tant que personne attirée par les femmes, elle devait avoir des relations sexuelles avec des femmes trans.


L’accumulation de tout cela l’a amenée à voir les récits trans (comme « les hommes trans sont des hommes ») comme vides de sens et contraignants :


La détransition, pour moi, c’est avoir laissé derrière moi l’idéologie qui m’a poussée à me raconter des choses auxquelles je ne croyais pas… Ce que je déplore, c’est qu’on te dise que tu n’es pas biologiquement un homme ou une femme… cette réécriture de l’histoire… elle t’empêche de te voir comme une personne complexe si quelqu’un te dit : « Toute ma non-conformité de genre est expliquée par la transition, je suis juste un homme parfaitement normal maintenant » — j’ai trouvé ça très oppressant.

Sarah et Luda ont aussi eu du mal à concilier leur identité trans avec leur engagement féministe. Luda a dit :


Si tu as des gens qui ont subi des MGF (mutilations génitales féminines) et qu’on leur impose un tour de pronoms… qu’est-ce que ça leur dit ? Que la discrimination fondée sur le sexe n’existe pas ?… Et moi, j’allais dans un groupe pour personnes trans, et parce que j’étais différente, heureuse d’être une femme, en soutien aux droits fondés sur le sexe, beaucoup de personnes trans me disaient : « Tu es dans l’erreur, tu es dégoûtante. »

Elle se sentait frustrée envers la communauté trans, s’identifiant de plus en plus au féminisme, peut-être aussi pour éviter d’être perçue comme misogyne, reprenant ainsi certains discours féministes de la culture dominante :


Je me disais : « Même si j’ai un corps masculinisé, je suis une femme, je ne devrais pas avoir honte de ça. » J’ai l’impression que beaucoup de gens qui rejettent très fortement leur condition de femme, même après des années de transition, ont honte d’être femmes ou quelque chose comme ça, et je me disais : « Non, je suis ça, je devrais être fière de ça. »

En résumé, les participantes ont constaté que leur expérience sociale changeait avec la transition. En assumant un rôle masculin, certaines se sont senties de plus en plus proches des femmes — sur le plan social ou politique. Pour certaines, l’autisme semblait jouer un rôle dans leur interprétation de l’expérience, peut-être lié à une pensée concrète et binaire. La conscience de leur corps sexué a pu renforcer ces sentiments, et certaines se sont senties mal à l’aise avec les récits trans valorisant uniquement l’identité de genre tout en minimisant l’importance du sexe biologique et de la socialisation.


La détransition comme processus continu


Ce thème exprime le fait que la détransition était un processus complexe, individuel et continu. Toutes les participantes ont expliqué qu’il leur avait fallu du temps pour prendre cette décision, avec des doutes intimes avant de passer à l’action. Certaines ont éprouvé de la honte ou de l’embarras par rapport à leurs choix, ou de la culpabilité d’avoir impliqué leurs proches émotionnellement ou financièrement. Emma a dit :


Devoir admettre publiquement que j’avais fait une erreur aussi énorme, c’était juste (pause)… Je me disais : « Je vais juste vivre en homme trans, c’est bon »… mais on ne peut faire semblant qu’un certain temps.

Une fois qu’elle l’a annoncé à ses proches, elle a pris du recul pour réfléchir, le « regret de transition » rendant difficile la confiance en soi. Elle a finalement quitté ses études et son emploi pour éviter de devoir vivre une seconde transition publique.


Annabelle a décrit un processus similaire, voulant être sûre d’elle :


J’ai à peu près ignoré tout ça, parce que je me disais… c’est fait, je suis sur liste d’attente pour la phalloplastie, c’est comme ça… ça tournait en boucle dans ma tête… pendant presque un an… et puis j’ai pensé : « Ce n’est pas trop tard, je ne suis pas obligée de faire ça, je peux retrouver ma vie d’avant, si c’est ce que je veux. »

D’autres, se sentant bloquées, ont expliqué à quel point il avait été important pour elles d’entendre parler de la détransition. Sarah a entendu parler d’une amie qui partageait sa vision de la transidentité et avait connu des instabilités similaires d’identité :


Ça a rendu la chose réelle, quelque chose que je pouvais vraiment faire… parce que j’y pensais depuis des années… mais je ne savais pas que des gens détransitionnaient vraiment… je ne savais pas que c’était possible de le faire et d’à nouveau « passer » pour une femme… voir quelqu’un d’autre le faire, je me suis dit : « Mon dieu, j’ai le choix, si je le veux. »

Susie, dont la santé mentale déclinait, a entamé une thérapie pour des troubles alimentaires, et a commencé à faire le lien entre les raisons qui la poussaient à se priver de nourriture et celles qui l’avaient poussée à vouloir transitionner. Par « curiosité morbide », elle a regardé les vidéos de détransition de son amie. Ces récits ont résonné en elle et elle a atteint un tournant :


J’en suis arrivée à ce point où je me suis dit : « Je suis peut-être en train de changer mon corps pour rien… parce que je n’arriverai jamais à un point où je me sentirai assez “homme”… et il y a une possibilité qu’un jour je le regrette… et si cette possibilité existe, alors je ne peux pas continuer. » C’était terrifiant de réaliser ça, j’ai eu l’impression que le sol se dérobait sous mes pieds, l’identité que je m’étais construite ne tenait plus… c’était vraiment effrayant, mais je savais que je devais le faire. Alors j’ai arrêté la testostérone.

Depuis, Susie a consacré du temps à se comprendre en thérapie, regrettant parfois la certitude que procurait l’idée d’une « solution ». Dans l’ensemble, elle se sent mieux, ayant l’impression de pouvoir faire partie de la société maintenant qu’elle ne tente plus d’être quelqu’un qu’elle n’est pas. Elle a trouvé du soutien auprès d’autres femmes ayant détransitionné en ligne, ce qui lui a redonné espoir pour l’avenir et l’a aidée à faire face aux moments de regret, de perte ou de sentiment d’avoir ruiné sa vie. Elle a apprécié redécouvrir son identité lesbienne après avoir cessé de s’identifier comme TGD, son trouble lié à la sexualité s’étant apaisé avec l’abandon de cette identité. Elle a trouvé important d’entendre d’autres lesbiennes « butch » parler de leur dysphorie, ce qui lui a permis de comprendre :


Je n’avais pas d’identité de genre intrinsèque, c’était juste une manière d’interpréter mes émotions.

Ce nouveau cadre d’interprétation, qui lui avait manqué avant sa transition, l’aide aujourd’hui à aller de l’avant, même si la communauté trans lui manque :


Parce que maintenant, quand j’ai envie de retransitionner, c’est souvent lié au fait que je n’ai plus vraiment de gens à qui m’identifier, parce que beaucoup de ceux qui ressentent la même chose que moi s’identifient encore comme trans… j’ai perdu cette communauté que j’avais… ce lien. Maintenant, je me sens à nouveau un peu isolée, comme si je n’avais pas ma place.

Charlotte, qui ne savait pas qu’il était possible de « revenir en arrière », avait essayé de « faire avec, d’être le meilleur mec possible ». Trouver un subreddit sur la détransition lui a offert une alternative, mais la décision était bien plus difficile cette fois, à cause de la culpabilité :


Tu dois admettre que tu t’es trompée… et là tu réalises ce que tu as perdu, ce que tu t’es fait subir.

Elle redoutait :


L’idée de devoir affronter à nouveau une période “entre-deux”, parce que c’était l’enfer la première fois.

Découvrir qu’il existait des solutions possibles a clarifié son choix, et bien qu’elle ait encore des regrets, elle dit :


En quelque sorte, ça valait le coup d’en passer par là pour arriver là où je suis maintenant. Je dirais que je suis probablement plus heureuse que jamais.

Deux ans plus tard, elle confie :


Ce qui me dérange le plus, c’est ma poitrine… parce qu’il me manque une partie de moi maintenant.

Les options de reconstruction ne lui semblaient pas envisageables. Cela affectait son intimité avec son·sa partenaire, et elle pense qu’elle aurait peut-être pu apprécier sa poitrine aujourd’hui, qu’elle aurait eu besoin de plus de temps pour « grandir dans » son corps.


Des informations concrètes sur ce qui allait se passer et ce qui pouvait être inversé étaient essentielles pour plusieurs participantes. Toutefois, Anabelle a souligné que revenir en arrière demande « du temps et de l’argent ». Elle pleurait la perte de sa voix chantée, mais ajoutait :


C’est différent cette fois, je me sens plus forte… avant, être une femme me semblait difficile socialement, maintenant je me sens vraiment… capable d’être cette femme forte, affirmée, magnifique.

En revanche, Emma, bien qu’ayant trouvé utile les conseils pratiques d’autres personnes ayant détransitionné, trouvait que les encouragements féministes du type « tu es toujours une belle femme forte » ne prenaient pas en compte sa détresse réelle. Elle ressentait beaucoup de colère et de ressentiment envers la clinique de genre, ce qui l’a empêchée d’y retourner pour chercher du soutien. Les thérapeutes qu’elle avait consultés n’étaient pas disposés à aborder le sujet de la détransition, certains la considérant même comme transphobe, ce qui l’a laissée isolée. Le soutien social et familial était donc essentiel pour elle, comme pour d’autres participantes. Elle a décrit des périodes de grande tristesse, mais disait apprendre à accepter la non-conformité de genre et la confusion sociale qui pouvait en découler :


Après tout ce qui s’est passé, je ne comprends toujours pas pourquoi je me sens mal à l’aise en tant que femme… mais ça devient plus facile, je pense… Je regrette d’avoir transitionné, mais j’apprends à… être plus à l’aise avec une apparence plus masculine.

Luda, de manière similaire, disait :


Je ne parle juste pas de genre ou quoi que ce soit… Je pense que la plupart des gens dans mon cursus pensent que je suis un homme, et certains pensent que je suis une femme. Je ne me pose pas la question.

Son objectif était de gérer sa dysphorie et de vivre une vie heureuse et pleine de sens, sans penser au genre. Elle avait envisagé une vie religieuse avant sa transition, et disait :


Maintenant je suis à peu près une personne asexuelle, donc je me dis qu’il n’y a pas vraiment besoin de m’inquiéter pour mon corps de ce point de vue-là, si je peux me contrôler moi-même… je veux juste vivre ma vie, faire ce que je peux, et ne pas penser à mon corps.

Sarah aussi acceptait son apparence masculinisée, elle qui s’était sentie auparavant prisonnière des idéaux hétéronormés de la masculinité ou de la féminité. Elle avait trouvé d’autres façons de se connecter à son corps, ce qui apaisait sa dysphorie :


Avant, ça me déprimait beaucoup de me dire qu’il fallait ressembler soit à un homme, soit à une femme… maintenant j’ai laissé pousser ma barbe… je ne pense pas que ça fasse de moi quelqu’un de moins féminin, c’est juste comme ça que je suis… et je suis beaucoup plus en paix avec mon corps… courir, c’est génial, parce que tout ce qui compte c’est : est-ce que mon corps peut courir… bouger, faire du sport, c’est vraiment bon pour toi.

La plupart des participantes ont continué à ressentir de la dysphorie de genre, certaines liée aux changements opérés pendant la transition (dysphorie inversée). Sarah a décrit des moments où elle ressentait un « effroi corporel », parce qu’une partie d’elle manquait, et d’autres où elle entendait « l’appel de la transition », en imaginant qu’elle se sentirait mieux si elle reprenait la testostérone. Dans l’ensemble, elle disait préférer aujourd’hui trouver d’autres solutions à sa détresse :


Arrêter de chercher des réponses dans le genre, et essayer de me comprendre plus globalement, c’est la seule solution pour moi… mais c’est moins fun que la transition… le genre est l’endroit où mes problèmes s’expriment… ce n’est pas l’endroit d’où ils viennent. Comment je les résous vraiment pour avoir cinquante années heureuses et saines plutôt que dix minutes de chaos ?

En résumé, la détransition était un processus personnel et complexe, souvent empreint de tristesse, de deuil, de culpabilité — pour les coûts de la transition, pour soi-même ou pour ses proches. Certaines participantes ressentaient de la colère ou du ressentiment envers les cliniques de genre, regrettant leur décision ou les effets spécifiques des traitements médicaux. D’autres semblaient plus en paix avec le fait que la transition avait été une étape dans leur parcours, surtout si elles se sentaient aujourd’hui capables d’avancer. Les participantes décrivaient les défis d’une vie avec une apparence masculinisée dans un monde qui attend des gens qu’ils rentrent dans une case binaire. Elles luttaient avec leur rapport au corps modifié, avec une dysphorie inversée ou une dysphorie persistante liée à leur sexe de naissance, déplorant les coûts, le temps, ou le manque d’options pour inverser certains changements. Certaines constataient que les problèmes qu’elles espéraient résoudre par la transition étaient toujours là. Toutefois, la plupart estimaient que le travail sur soi et l’acceptation de soi menaient à une plus grande liberté personnelle et un mieux-être, y compris une libération des normes stéréotypées liées au sexe ou au genre.


Discussion


Cette étude a utilisé l’analyse narrative thématique pour explorer les récits de personnes ayant détransitionné après une transition de genre médicale ou chirurgicale au Royaume-Uni. Quatre thèmes narratifs ont été développés pour comprendre comment elles donnaient sens à leur détransition.


Les limites de la transition médicale reflétaient l’expérience des participantes selon laquelle modifier le corps avait des limites pour résoudre la dysphorie. Bien qu’il existe un débat en cours sur la pertinence des critères diagnostiques de l’incongruence de genre (Beek et al., 2016), les participantes de cette étude avaient compris leur détresse comme indiquant qu’elles étaient du sexe/genre opposé (« piégées dans le mauvais corps ») et pensaient devoir effectuer une transition médicale pour y remédier. Cette conclusion a également été observée dans d’autres études, par exemple, MacKinnon et al. (2023b) ont également constaté que les participants pensaient qu’une transition médicale améliorerait leur santé mentale, en accord avec l’idéologie transnormative dominante, qu’une participante de cette étude a qualifiée de « vague » de transition. Cependant, comme dans d’autres recherches (par exemple, Sanders et al., 2023 ; Vandenbussche, 2022) et études de cas (Herzog, 2017 ; Lev, 2019 ; Marchiano, 2020), après ce qui a été appelé une « période de lune de miel » (Jorgensen, 2023), la santé mentale des participantes s’est à nouveau détériorée. Cela confirme que la dysphorie de genre ne coïncide pas toujours avec, ni n’implique nécessairement, une identité TGD (Zucker, 2019) et que les traitements d’affirmation de genre (GAMSTs) peuvent ne pas résoudre la dysphorie. En effet, après leur détransition, les participantes de cette étude ont décrit avoir trouvé d’autres solutions pour apaiser leur détresse liée au genre, plutôt que des interventions médicales. Cette capacité à trouver des alternatives pour gérer la détresse liée au genre est l’une des deux raisons les plus fréquemment citées (l’autre étant des préoccupations politiques/idéologiques, également pertinentes pour les participantes de cette étude) dans deux enquêtes en ligne menées par des personnes ayant détransitionné (Hailey, 2017 ; Stella, 2016 ; cité dans Hilderbrand-Chupp, 2020).


Dans le thème la détransition comme processus continu, certaines participantes ont aussi compris que les sentiments pénibles qu’elles ressentaient n’étaient pas dus à une dysphorie de genre, mais à d’autres problèmes — conclusion également relevée dans d’autres études où les participants ont réévalué les causes de leur détresse, par exemple à cause de traumatismes passés (Gould et al., 2023), d’homophobie intériorisée (Littman, 2021 ; Vandenbussche, 2022), de dépression ou de misogynie intériorisée (Pullen Sansfaçon et al., 2023 ; Vandenbussche, 2022). Les participantes se sont engagées dans un processus de construction de sens et de recherche de récits alternatifs à la dysphorie de genre, et de façons alternatives de la gérer, ce qui leur permettait de se sentir plus à l’aise, comme noté dans d’autres études (Pullen-Sansfaçon et al., 2023 ; Sanders et al., 2023). Par exemple, la dysphorie de genre peut faire partie du développement d’une identité lesbienne, gay ou bisexuelle (Patterson, 2018), à mesure que les individus rejettent les stéréotypes hétéronormatifs. Les personnes atteintes de dysphorie de genre peuvent ne pas vouloir de médicalisation en raison de préoccupations de santé, indépendamment de leur identité TGD.


Les participantes de cette étude, comme dans d’autres (Jorgensen, 2023), ont décrit un manque d’information sur les conséquences de la transition, notamment des inquiétudes concernant les effets secondaires médicaux des interventions (ex. : atrophie vaginale, infertilité) et les limites des connaissances médicales actuelles (ex. : effets à long terme de la testostérone sur le corps féminin, tels que les risques cardiovasculaires ou de démence). Cela est lié à une perte de confiance envers les spécialistes des soins de genre, les participantes se sentant trahies, et ne retournant pas en clinique pour un suivi (Sanders et al., 2023). Les préoccupations de santé ont souvent été identifiées comme un facteur contribuant à la décision de détransition (Exposito-Campos et al., 2023 ; Littman, 2021 ; Vandenbussche, 2022), et les participantes peuvent se sentir plus vulnérables, la santé étant un domaine où le sexe biologique a une importance (Shapiro et al., 2021). La majorité de la recherche en santé s’est concentrée sur des corps masculins (Arnegard et al., 2020), ce qui peut ne pas correspondre aux besoins des personnes identifiées comme hommes mais ayant un corps féminin. Littman (2021) a constaté que les implications pour la santé étaient une préoccupation plus importante chez les femmes ayant détransitionné que chez les hommes.


La déception ou l’insatisfaction vis-à-vis des résultats des GAMSTs a été liée à la détransition et au regret (Exposito-Campos, 2023), y compris chez des personnes qui s’identifient encore comme TGD (Bustos et al., 2021 ; Cain & Velasco, 2021 ; Graham, 2017). Le regret dans ce contexte peut être lié à l’esthétique, à la fonctionnalité, ou à des complications médicales issues des procédures (Bustos et al., 2021 ; Pfäfflin, 2019). Un tel regret a été mentionné par les participantes de cette étude à propos de leur insatisfaction face aux cicatrices de mastectomie, du sentiment de vulnérabilité et de peur après cette chirurgie, ou de l’inquiétude concernant l’impact des changements corporels sur leur vie amoureuse. Plus d’un tiers des femmes ayant détransitionné auraient subi une double mastectomie, et ce nombre serait en augmentation (Gribble et al., 2023), mais il existe un manque de soutien ou de directives (ex. : concernant l’allaitement) pour les femmes ayant détransitionné après cette intervention (Gribble et al., 2023). Une participante de cette étude a déclaré s’être sentie trompée par la communauté trans et les professionnels de santé, estimant que l’importance de cette procédure avait été minimisée, ce qui a contribué à son éloignement de l’identité TGD.


Certaines participantes ont exprimé qu’elles n’aimaient pas les changements masculinisants (ex. : pilosité) ou ressentaient une dysphorie inversée (Exposito-Campos et al., 2023 ; Pullen Sansfaçon et al., 2024) concernant les modifications corporelles issues des interventions médicales. Littman (2021) a également constaté que juste un peu plus de la moitié des femmes de son étude, contre un peu plus d’un quart des hommes, ont déclaré que les changements corporels liés à la transition médicale étaient « trop importants ». Cependant, certaines participantes ont expliqué que la détransition signifiait qu’elles ne se sentaient plus prisonnières de devoir paraître soit masculines, soit féminines, ou d’être perçues uniquement comme l’un ou l’autre. De manière similaire, les jeunes de l’étude de Pullen Sansfaçon et al. (2024) ont ressenti un sentiment de liberté en détransitionnant, précisément parce que cela leur permettait de s’éloigner des normes binaires transnormatives. Les participantes de l’étude de Pullen Sansfaçon et al. (2023) ont rapporté que la détransition n’était pas vécue comme un changement de genre, mais comme un changement dans la signification du genre. Dans l’étude de Pullen Sansfaçon et al. (2024), les participantes ont aussi dit qu’elles ne se sentaient plus appartenir à aucune catégorie de genre après la détransition — ce qui fut le cas d’une participante dans cette étude — tandis que d’autres ont déclaré que, socialement, leur genre ou apparence comptait moins et qu’elles s’identifiaient davantage à leur sexe biologique. Hilderbrand-Chupp (2020) décrit comment les personnes ayant détransitionné vivent dans l’intervalle entre les concepts de genre « trans » et « cis ». Il est important que les cliniciens explorent la façon dont les individus vivent leur corps et leur identité tout au long du processus de détransition. Cela peut évoluer au fil de la transition et de la détransition, à différents moments, et en lien avec les GAMSTs, et cela peut avoir un impact sur le bien-être et les besoins en accompagnement.


Les participantes de cette étude en sont venues à considérer les interventions médicales/chirurgicales comme cosmétiques, en même temps qu’elles réalisaient qu’elles ne pouvaient pas devenir biologiquement masculines ou avoir un corps masculin, ce qu’elles désiraient et qu’on leur avait dit qu’elles devaient « croire » dans les communautés transgenres. Dans l’étude de Littman (2021), plus d’un tiers des femmes ayant détransitionné ont exprimé une insatisfaction face à des changements physiques jugés « insuffisants ». Sanders et al. (2023) ont également rapporté que des personnes ayant détransitionné avaient exprimé un sentiment d’inauthenticité dans leur nouveau genre, lié à la prise de conscience qu’elles ne seraient jamais biologiquement du sexe opposé. Certaines participantes de cette étude ont constaté que le rôle social d’homme ne leur convenait pas, qu’elles se sentaient inauthentiques. Ce changement démontre une évolution des croyances sur le genre, le sexe et la transition (Exposito-Campos et al., 2023), et Littman (2021) rapporte que 60 % de ses participants ont détransitionné parce qu’ils étaient devenus à l’aise avec leur sexe de naissance, à la suite d’une évolution de la façon dont ils le comprenaient. Les participants de MacKinnon et al. (2023b) considéraient la détransition comme leur permettant de se sentir à nouveau « authentiques », leur offrant une nouvelle opportunité d’exploration, d’expression et d’élargissement du genre. Une participante de cette étude a décrit que, tout en ressentant du regret, elle se sentait aussi « plus heureuse que jamais » après avoir traversé la transition et la détransition. Les participants de Pullen Sansfaçon et al. (2023) ont également décrit une expérience mêlant regret et soulagement, bonheur, plus grande liberté et alignement avec soi-même. Certaines participantes ont expliqué qu’une vision étroite et stéréotypée de la féminité avait pu influencer leur décision de transitionner, mais que la détransition avait élargi cette vision, par exemple en acceptant qu’elles puissent être perçues comme homme ou femme. En effet, Sanders et al. (2023) ont constaté qu’après leur détransition, les participants comparaient leur apparence physique à des normes cisgenres à la fois masculines et féminines. Katz-Wise et al. (2023), Cohen et al. (2022) et MacKinnon et al. (2023b) rapportent tous des changements fréquents d’identité de genre chez les personnes en détransition, avec une proportion importante adoptant une identité non binaire (qui ne devient pas nécessairement une identité « finale »).


Cependant, cette évolution du sens du genre a aussi conduit certaines participantes à ressentir un manque d’appartenance à un groupe, se sentant isolées parce qu’elles ne voulaient pas être mégenrées tout en vivant comme un homme, luttant en privé avec leur sexualité dans ce contexte, incapables de se connecter avec d’autres hommes ou avec la masculinité, et/ou ne se sentant plus appartenir aux groupes féminins. De plus, une participante a décrit s’être sentie isolée pendant sa détransition, s’étant retirée du monde professionnel et éducatif pour éviter une seconde transition publique. Une autre a parlé d’un sentiment d’isolement après sa détransition, regrettant le réconfort de la communauté trans, et pour une autre, le fait d’essayer de trouver un thérapeute pour parler de sa détransition a renforcé ce sentiment d’isolement, car elle se sentait perçue comme transphobe. Ce sentiment d’isolement provoqué par la détransition, clairement exprimé par plusieurs participantes dans cette étude, n’a pas été aussi fortement observé dans d’autres études, bien qu’un sentiment d’exclusion sociale ait été abordé (MacKinnon et al., 2022b ; Pullen Sansfaçon et al., 2023 ; Vandenbussche, 2022). Un sentiment de communauté a parfois été retrouvé par les participantes grâce à la connexion avec du contenu en ligne sur la détransition, leur offrant une nouvelle compréhension de ce qui était possible et un sentiment d’espoir. MacKinnon et al. (2023b) ont constaté que cela concernait particulièrement les femmes ayant détransitionné, qui se retrouvaient dans ces récits, contrairement aux hommes ayant détransitionné qui ne s’y identifiaient pas de la même manière. Les communautés en ligne de détransition ont été mises en avant comme apportant un soutien essentiel dans d’autres études (Littman, 2021 ; Littman et al., 2024 ; MacKinnon et al., 2023b), notamment lorsque le soutien professionnel faisait défaut ou n’était pas souhaité en raison d’un manque de confiance.


Concernant les limites sociales de la transition, il est important de noter que, pour les participantes de cette étude, aucune n’a mentionné la discrimination de la part d’autrui comme raison de leur détransition, bien que l’une ait dit que cela constituait une raison pour ne pas retransitionner. La discrimination a été mentionnée comme une raison sociale de détransition dans la revue de littérature de Exposito-Campos et al. (2023). Cela a également été observé par MacKinnon et al. (2023b), qui ont constaté que la discrimination était un facteur de détransition exclusivement chez les femmes trans, dont beaucoup ont ensuite retransitionné lorsque la discrimination a cessé. La discrimination comme déclencheur de la détransition pourrait donc ne pas s’appliquer autant aux femmes, peut-être parce que les personnes transféminines sont considérées comme plus vulnérables à la discrimination et à la trans-misogynie (Bradford et al., 2013 ; Fuller & Riggs, 2018).


Conformément aux études précédentes (Littman, 2021 ; Pullen-Sansfaçon et al., 2023 ; Turban et al., 2021 ; Vandenbussche, 2022), cette étude illustre la diversité, la complexité et le caractère individuel des expériences de détransition, capturés dans le thème de la détransition comme processus continu. Faisant écho à l’importance d’une vision du monde cohérente, relevée par Littman et al. (2024) et Exposito-Campos et al. (2023), certaines participantes ont exprimé une tension entre l’idéologie trans et les valeurs féministes, remettant en question les théories du transgenrisme qui privilégient l’auto-identification de genre sur le sexe de naissance. Cela reflète le débat socioculturel en cours sur des questions telles que l’accès des personnes trans aux espaces non mixtes, où il y a des inquiétudes sur l’impact potentiel pour les femmes (Stock, 2021). En vivant comme hommes, les participantes de cette étude ont aussi constaté qu’elles devaient faire face au sexisme exprimé par d’autres hommes, ou éviter d’être perçues comme misogynes en raison de leur identité masculine — des situations en conflit avec leurs valeurs féministes. Les convictions politiques ont été identifiées comme un facteur important dans la détransition (Exposito-Campos, 2021 ; Herzog, 2017 ; Kermode, 2019 ; Stella, 2016 ; Turban & Keuroghlian, 2018 ; Vandenbussche, 2022), et un sentiment d’inadéquation des valeurs pourrait amener certaines personnes à envisager des alternatives aux GAMSTs pour gérer la dysphorie de genre.


Certaines participantes ont mentionné l’autisme comme interagissant avec leur expérience, et leurs récits suggéraient souvent une pensée concrète et binaire, fréquente chez les personnes autistes, en lien avec une vision sociétale dominante hétéronormée et binaire du genre, et des idéaux stéréotypés associés à la féminité et à la masculinité. L’autisme peut avoir accru leur sensibilité à leurs expériences de différence (par exemple, se sentir « entre-deux », ou les perceptions liées à l’appartenance à un groupe social), notamment en relation avec les thèmes des limites médicales et sociales de la transition. Des chercheurs ont suggéré que certaines personnes autistes peuvent avoir du mal à décoder les signaux sociaux liés aux rôles sociaux et aux normes de genre, ou à les interpréter de manière flexible (van der Miesen et al., 2016, 2018) ; cependant, Cooper et al. (2023) ont constaté que cela était seulement l’opinion des cliniciens, alors que les adultes et jeunes autistes déclaraient que l’autisme n’affectait pas leur compréhension du genre. Toutefois, les personnes autistes, leurs aidants et les cliniciens s’accordaient à dire que les caractéristiques de l’autisme aggravent la dysphorie de genre. Il n’existe à ce jour aucune étude spécifiquement centrée sur la façon dont la détransition et l’autisme s’entrecroisent, bien que ce lien ait été relevé comme important dans cette étude et d’autres (Hall et al., 2021 ; Littman, 2021 ; MacKinnon et al., 2022a ; Vandenbussche, 2022).


Implications cliniques


La possibilité de détransitionner est devenue plus visible, avec une explosion d’informations sur les réseaux sociaux provenant de personnes ayant détransitionné ces dernières années (MacKinnon et al., 2023b). Cette étude, comme d’autres, a constaté que les personnes ayant détransitionné se tournent souvent vers les réseaux sociaux pour obtenir du soutien et des informations lorsque ceux-ci sont absents dans leur entourage ou chez les professionnels de santé. Il est donc essentiel qu’elles puissent accéder à des informations et à un soutien appropriés concernant les aspects physiques, pratiques, psychologiques et sociaux de la détransition (Vandenbussche, 2022). MacKinnon et al. (2023b) suggèrent qu’il serait utile de proposer des groupes de discussion dirigés par des pairs et des ressources pour aider les personnes à aborder les sujets clés liés à la détransition, tels que la recherche de professionnels compétents, l’annonce de la détransition à autrui, la santé physique et sexuelle, etc. Ces groupes et ressources permettent de se sentir moins isolé·e, ce qui a été observé dans cette étude.


Bien que la détransition ne soit pas synonyme de regret (Exposito-Campos, 2021), il est important de reconnaître que certaines personnes peuvent ressentir des émotions très difficiles et douloureuses à propos de leur transition, et peuvent avoir du mal à vivre avec des changements physiques irréversibles (« dysphorie inversée »). Cependant, les participantes de cette étude, comme d’autres, ont indiqué que la transition puis la détransition pouvaient faire partie d’un processus important dans la recherche d’authenticité et de bonheur. Il est essentiel que les cliniciens n’anticipent pas les émotions que pourrait entraîner une détransition et qu’ils restent ouverts à l’exploration de sentiments parfois contradictoires chez leurs patient·e·s, en comprenant que ceux-ci peuvent évoluer dans le temps.


Une conclusion clé de cette étude, comme d’autres, est que la dysphorie de genre ne correspond pas nécessairement à une identité TGD, mais peut avoir d’autres causes. Cela souligne l’importance d’une évaluation holistique, tenant compte du développement, et d’une formulation des facteurs susceptibles de contribuer à une détresse liée au sexe ou au genre (Churcher Clarke et al., 2019). D’autres études ont montré qu’une évaluation approfondie faisait souvent défaut (par exemple, MacKinnon et al., 2023c).


Ces résultats soulignent l’importance d’explorer les modèles du sexe et du genre utilisés par les personnes qui détransitionnent (ou transitionnent) (Levitt & Ippolito, 2014), d’autant plus que les termes « sexe » et « genre » sont souvent confondus (Vegter, 2013). En effet, le langage utilisé dans les soins dits d’affirmation de genre, issu d’une volonté de valider les identités TGD, peut masquer ou minimiser la nature des interventions médicales (Stock, 2021). Il est essentiel d’utiliser un langage clair afin d’aider les personnes à se faire une idée réaliste des conséquences du début ou de l’arrêt d’interventions médicales, et davantage de connaissances sont nécessaires sur la nature de ces conséquences.


Forces et limites


Les forces de cette étude résident dans l’utilisation d’une définition précise de la transition et de la détransition, des pratiques de recrutement inclusives, des procédures rigoureuses et transparentes, ainsi que la collaboration avec une experte concernée, ce qui renforce la fiabilité et la crédibilité. Cependant, les récits personnels ont été recueillis à un moment donné, et les expériences peuvent avoir été réinterprétées ou omises dans le cadre d’un processus évolutif de développement de l’identité narrative (McAdams & McLean, 2013). Le contexte plus large de leur expérience, le public auquel elles pensaient s’adresser, ainsi que la relation entre l’intervieweuse et l’interviewée, auront influencé l’histoire racontée par les participantes et sa retranscription dans cette étude — probablement aussi influencée par l’identité des chercheuses en tant que femmes cisgenres (par ex. : Galupo, 2017).


Compte tenu des résultats et des caractéristiques démographiques des participantes, cette étude a peut-être atteint un échantillon similaire à celui des études de Littman (2021) et Vandenbussche (2022). Il est essentiel d’atteindre d’autres populations pour mieux comprendre la diversité des expériences et des besoins, ce qui devrait être abordé dans de futures recherches. Les participantes de cette étude étaient toutes blanches et nées au Royaume-Uni, toutes enregistrées femmes à la naissance, et s’identifiaient comme lesbiennes ou bisexuelles, dont quatre diagnostiquées autistes. Toutes avaient au moins commencé des études universitaires et avaient entre 21 et 32 ans au moment de leur participation. Toutes avaient commencé des traitements médicaux d’affirmation de genre (GAMST) à la fin de l’adolescence ou dans la vingtaine. Bien que le design qualitatif et la taille réduite de l’échantillon limitent la généralisabilité des résultats, ceux-ci peuvent être transférables à des personnes dans des situations similaires (Lincoln & Guba, 1985). Cette étude n’a pas explicitement recueilli de données sur l’année de la transition ou de la détransition, ce qui aurait pu être pertinent étant donné le contexte culturel en évolution rapide. Les résultats auraient pu différer avec un échantillon plus large et plus diversifié, par exemple en incluant des hommes ayant détransitionné ou des participantes ayant détransitionné puis retransitionné.


Nous n’avons pas exploré les évolutions de l’identité de genre, ni le sens changeant du genre de manière approfondie, bien que cela semble être un thème émergent important dans la littérature récente, remettant en question les idées binaires transnormatives du genre (par ex. : Gould et al., 2023 ; Katz-Wise et al., 2023 ; MacKinnon et al., 2023b ; Pullen Sansfaçon et al., 2023, 2024). Les recherches futures pourraient se concentrer sur la libération des attentes et des normes liées au genre que les personnes ayant détransitionné décrivent, dans l’intérêt de celles et ceux qui se sentent limité·es par des attentes genrées binaires transnormatives ou cisgenres.


Conclusion


Cette recherche apporte une analyse approfondie à la littérature existante sur la détransition. Les participantes ont détransitionné parce qu’elles ont constaté que la transition médicale avait des limites pour apaiser leur détresse ou pour changer leur sexe. Les implications continues sur la santé et les risques associés ont également été un facteur pour la plupart d’entre elles. Leur perception de l’appartenance à des groupes sociaux a souvent changé après la transition, parfois en lien avec des valeurs féministes, ou peut-être en reflet des expériences et trajectoires développementales normales de l’adolescence et du début de l’âge adulte, période durant laquelle les jeunes explorent leur identité dans différents contextes sociaux. Il est également possible que l’expérience des limites physiques de la transition à les transformer ait rendu les aspects sociaux vides de sens, augmentant la dysphorie sociale liée au nouveau genre.


La détransition était un processus complexe, individuel et continu, avec une diversité de besoins exprimés. Les implications pour la pratique clinique auprès des personnes envisageant une transition ou une détransition ont été discutées.


Trad. Chat GPT





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