Par les membres du Bureau de l'OPS : Dominique Crestinu, gynécologue-endocrinologue, Beryl Koener, pédopsychiatre, Céline Masson, professeur des universités en psychologie de l'enfant et de l'adolescent, et Jacques Robert, professeur émérite de cancérologie, PUPH.
Changement de genre des ados : autopsie de la controverse
TRIBUNE. Quatre membres de l’Observatoire La Petite Sirène réagissent à la « fraude scientifique » entourant les protocoles médicaux prescrits par l’Association mondiale pour la santé des personnes transgenres (WPATH).
Publié le 23/07/2024 à 11h00
Un important congrès international s'est tenu au Palais du Luxembourg, les 28 et 29 juin derniers, à l'initiative de l'Observatoire La Petite Sirène (OPS), en partenariat avec la Society for Evidence-Based Gender Medicine (SEGM). Il a rassemblé près de cinquante médecins, pédopsychiatres, psychologues et chercheurs de toutes disciplines, en provenance de plusieurs pays d'Europe, ainsi que du Canada, des États-Unis, de Nouvelle-Zélande et d'Australie.
Ce congrès avait pour objectif de faire le point et d'échanger des informations récentes sur le traitement des enfants et des adolescents souhaitant changer de genre. Ce congrès s'est inscrit au cœur d'une réflexion approfondie qui a pris de l'ampleur cette année, avec le dépôt et l'adoption d'un projet de loi par le Sénat, la publication d'un travail considérable de recensement et d'évaluation des études médicales et scientifiques disponibles, réalisé par le Dr Hilary Cass en Angleterre et, plus récemment, la révélation de fraudes scientifiques majeures commises par la principale association professionnelle internationale édictant des lignes directrices pour la prise en charge de ces enfants et des adolescents. Cela entraîne un revirement au sein de l'opinion publique mondiale, tel qu'un important article du New York Times vient de le révéler.
Nous ne pouvons résumer ici les quelque cinquante brèves interventions qui ont été faites au cours d'une dizaine de tables rondes. Nous voudrions simplement évoquer le problème que rencontrent des familles lorsque leurs enfants adolescents manifestent le désir de changer de genre. Nous souhaitons l'aborder de façon apaisée, scientifique, en tant que médecins et psychologues de diverses origines, en éliminant toute attitude idéologique et toute idée préconçue, et en se basant sur des données issues de preuves consensuellement reconnues.
Deux sexes, et seulement deux
Tout d'abord, les biologistes s'accordent depuis toujours pour dire que, dans l'espèce humaine, il existe deux sexes séparés : les mâles et les femelles. On ne peut parler de « sexe assigné à la naissance » : ce n'est pas une question d'appréciation. Taille des gamètes, chromosomes, caractères sexuels primaires et secondaires visibles ou non, il est impossible de se tromper dans l'immense majorité des cas.
Certes, il existe un petit contingent de nouveau-nés (une naissance sur 4 000) où existe une ambiguïté ; on les appelait autrefois des « états intersexués », on préfère les appeler aujourd'hui des « sujets avec une variation du développement génital ». Ils posent un problème différent que nous n'aborderons pas ici.
Il existe deux sexes et seulement deux, et les surenchères auxquelles se livrent des idéologues qui prétendent en l'existence de 5 sexes, de 12, de 48 ou d'une infinité, ignorent ou font semblant d'ignorer la biologie humaine. L'idée que véhiculent certaines associations que « le sexe est un spectre » ou que les enfants peuvent « choisir le sexe qui leur convient » relève de la pure idéologie. C'est une fiction à laquelle certains médecins ont adhéré.
Angoisse de Sexuation Pubertaire (ASP)
La question qui a été abordée lors de ce congrès est ce phénomène propre à l'adolescence que l'on appelait tout récemment « dysphorie de genre » et que nous préférons appeler aujourd'hui « angoisse de sexuation pubertaire ». Ce phénomène ou ce trouble – nous préférons éviter le terme de « maladie », car ce n'en est pas une à proprement parler – est caractérisé par le sentiment d'appartenir à l'autre sexe.
Il était connu depuis longtemps : un certain nombre de garçons – beaucoup plus souvent que de filles –, dès leur plus jeune âge, 3 ou 4 ans, ont le sentiment d'être des filles. Il s'agit d'un sentiment très fort, qui ne se modifie pas au cours de la croissance, et qui, très certainement, nécessite une prise en charge psychologique et médicale, éventuellement chirurgicale, au cas par cas. Le nombre de jeunes souffrant de ce type de trouble psychique est relativement constant et une équipe néerlandaise a mis au point un protocole appelé le « Dutch protocol » qui, selon l'expérience générale, donne satisfaction aux enfants et à leur famille.
Une autre présentation de cette « angoisse de sexuation pubertaire » est bien différente sur plusieurs plans : elle affecte très majoritairement des jeunes filles ; l'âge auquel elle se manifeste est plus tardif et est contemporain du début de la puberté (12 à 13 ans) ; la demande de changement de genre est relativement soudaine, d'où le nom de « rapid onset gender dysphoria » que lui ont donné les Anglo-Saxons, à la suite de la description que Lisa Littman – médecin-chercheur spécialiste de la dysphorie de genre et la détransition – en a faite ; le nombre de cas a augmenté de façon spectaculaire au cours des dix dernières années.
Ces caractéristiques montrent qu'il s'agit d'une entité psychopathologique bien distincte de celle que nous avons décrite dans le paragraphe précédent. S'agissant d'une entité différente, il paraît indispensable de proposer et de valider, par des observations et des recherches cliniques, une attitude thérapeutique qui lui soit propre. C'est de cette stratégie thérapeutique que nous souhaitons parler.
Le Dutch protocol appliqué à mauvais escient
Un certain nombre de pays ont développé des structures appropriées à la prise en charge de ces adolescents, comme la clinique Tavistock en Angleterre par exemple. Des organismes nationaux et internationaux ont été mis en place pour coordonner ce type de soins et élaborer des directives a priori consensuelles afin de faire bénéficier les adolescents de tous les pays des meilleures approches disponibles : c'est le cas de la WPATH, pour World Professional Association for Trangender Health (« Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres ») ou de la Society for Evidence-Based Gender Medicine (SGEM).
Le problème majeur qui se pose aujourd'hui est que les directives qui sont données par de telles associations se basent parfois sur des études incomplètes ou mal conduites : la médecine du XXIe siècle se doit d'être une médecine reposant sur des preuves et non sur des observations disparates ou, pire, sur des préjugés non validés.
C'est ainsi que la WPATH et d'autres associations professionnelles recommandent d'appliquer le Dutch protocol dans une situation qui n'est pas celle pour laquelle il a été élaboré et validé. La WPATH donne en effet comme directives la prescription de « bloqueurs de puberté », c'est-à-dire d'hormones cérébrales mettant au repos le développement des gonades, ovaires et testicules, en les empêchant de produire les hormones sexuelles, œstrogènes chez les filles et androgènes chez les garçons, qui permettent le développement harmonieux des caractères sexuels primaires et secondaires.
Elle défend également la prescription d'hormones sexuelles « inversées », c'est-à-dire d'œstrogènes chez les garçons et d'androgènes chez les filles. La WPATH suggère ainsi de mettre en place très tôt des traitements à vie, irréversibles et potentiellement dangereux. La SGEM en revanche est opposée à ces pratiques et préconise, pour ces troubles psychiques, une prise en charge psychologique, à l'instar de l'OPS.
Des risques non évalués
Revenons sur ces prescriptions en détail. Les « bloqueurs de puberté » sont utilisés en médecine dans deux indications : dans certains cas de cancers de la prostate, afin de réaliser une castration chimique et entraver la progression du cancer ; pour le traitement des pubertés précoces, afin de retarder la puberté d'enfants de 7 à 9 ans jusqu'à l'âge habituel où elle survient. Leur utilisation dans une indication différente (des adolescents de 12 à 14 ans) n'a jamais été validée, elle n'a pas reçu d'autorisation de mise sur le marché de l'Agence nationale de la santé et du médicament (ANSM) et présente des risques qui n'ont pas été évalués.
Lors de la puberté, les récepteurs des hormones sexuelles sont synthétisés dans diverses zones du cerveau qui commandent en particulier les aspects psychologiques de la sexuation et du désir : en l'absence de la sécrétion attendue de ces hormones, le développement psychique des enfants pourra être endommagé. Les « bloqueurs de puberté » risquent d'être des « tueurs du désir sexuel », d'autant plus que, tant qu'ils seront sous traitement, les adolescents ne pourront avoir d'orgasme à l'âge où il est normal qu'ils en aient.
Les hormones « inversées » posent d'autres problèmes. Les récepteurs des hormones sexuelles sont présents dans un grand nombre de tissus de l'organisme et ces hormones vont y entraîner les modifications que les adolescents souhaitant changer de genre en attendent : glandes mammaires, voix, pilosité… Toutefois, l'administration d'œstrogènes aux garçons et d'androgènes aux filles entraînera d'autres modifications qui ne sont pas toujours anticipées. Par ailleurs, il existe des risques à long terme dont l'incidence dans la population des adolescents est à l'heure actuelle inconnue faute d'un recul suffisant.
Les œstrogènes ont des effets cancérogènes pour les tissus sensibles comme les seins et les organes génitaux. Si les garçons recevant des œstrogènes n'ont en principe rien à craindre du côté des organes génitaux, il n'en est pas de même pour les seins, dont ils sont pourvus comme les filles. Les androgènes, eux, ont des effets cancérogènes sur le foie : ce risque est bien connu chez les adeptes du dopage et du bodybuilding. Certes, le niveau de risque de cancer induit chez les adolescents par les hormones « inversées » n'est pas connu, mais il n'y a pas de raison pour que les mécanismes de la cancérogenèse soient différents.
Levée de boucliers
L'Observatoire La Petite Sirène, que coprésident Céline Masson, professeur des universités, psychanalyste, et Caroline Eliacheff, pédopsychiatre, psychanalyste, s'est alarmé des risques que faisait courir aux enfants et adolescents la prescription de traitements non validés. Le groupe Les Républicains au Sénat a initié un groupe de travail mené par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio sur la « transidentification des mineurs ».
Ce groupe a été accompagné par Céline Masson et Caroline Eliacheff. De ce travail, un rapport a été publié qui est à l'origine du projet de loi n° 435 (2023-2024) « visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre », déposé au Sénat le 19 mars 2024 et adopté le 28 mai 2024 après quelques modifications.
Ce projet de loi a suscité une levée de boucliers de la part de multiples organismes qui n'avaient en commun que leur méconnaissance du problème médical et scientifique posé par ces demandes de changement de genre réclamé par les adolescents : associations diverses, partis politiques, ministres, défenseur des droits, et même des syndicats ont réclamé la liberté pour les adolescents de changer de genre à leur demande, sans même chercher à s'informer auprès des professionnels.
« Thérapie de conversion »
Pourtant, une analyse très complète a été réalisée en Angleterre par le Dr Hilary Cass, ancienne présidente du Royal College of Paediatrics and Child Health, sur l'ensemble des études qui ont été faites par les structures de prise en charge des adolescents désireux de changer de genre. Cet énorme travail, rendu public le 10 avril 2024, a demandé quatre ans et a abouti à un rapport de 388 pages et 100 références ; ses conclusions sont sans appel : nous ne disposons pas du moindre argument scientifique permettant de justifier la prise en charge de ces adolescents par des « bloqueurs de puberté » et/ou des hormones « inversées ».
Ce rapport a incité plusieurs pays d'Europe, à la suite de l'Angleterre, à suspendre ce type de traitement en dehors d'essais cliniques contrôlés et à ne prendre en charge ces adolescents que sous l'angle de la psychologie ou de la pédopsychiatrie, ce d'autant que des troubles psychopathologiques distincts sont souvent associés à cette angoisse de sexuation pubertaire, comme la dépression, l'anorexie ou la boulimie. Par ailleurs, ces adolescents sont souvent angoissés par une homosexualité latente et redoutent le harcèlement qu'ils pourraient subir de la part de leurs condisciples.
De façon surprenante, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a émis le 6 mai 2024 un avis officiel (n° 24-05) sur le projet de loi, sans connaître les enjeux médicaux, sans avoir pris connaissance du rapport Cass, sans connaître les risques inhérents à des traitements non validés et potentiellement toxiques, en se plaçant, semble-t-il, sur le seul terrain du droit.
Cet avis va jusqu'à suggérer que les praticiens qui s'opposeraient à la prescription à ces adolescents de divers médicaments aux effets inéprouvés et irréversibles se rendraient coupables de procéder à une « thérapie de conversion », interdite à juste titre par la loi, inversant ainsi le raisonnement logique, qui veut que ce soient justement ceux qui prescrivent ces traitements qui se rendent coupables de procéder à une thérapie de conversion. L'OPS a répondu point par point à l'argumentation de la Défenseure des droits, en insistant sur le fait que seule son ignorance pouvait justifier des prises de position en désaccord formel avec l'état de la médecine et de la science.
« Fraude scientifique majeure et inqualifiable »
Le congrès des 28 et 29 juin a permis d'informer la communauté médicale et scientifique de l'état de la science en ce domaine et des risques que font courir aux enfants et aux adolescents les traitements hormonaux et chirurgicaux « d'affirmation de genre ». Une révélation extrêmement importante a été faite lors de ce congrès, et nous avons tous pu prendre connaissance d'une fraude scientifique majeure et inqualifiable dont s'est rendue coupable la WPATH, en exigeant d'un collège d'experts indépendants qu'elle avait missionné, tous chercheurs de la Johns Hopkins University à Baltimore, de faire état de ses conclusions avant de réaliser les études qu'elle lui avait commandées.
Les témoignages venus du monde entier et le discrédit dont sont désormais entachés les protocoles de la WPATH renforcent notre détermination à protéger les enfants des idéologies radicales qui risquent de les conduire sur des chemins irréversibles et dangereux pour leur avenir. L'article du New York Times cité au début de cette tribune a eu pour titre dans sa version papier : « In U.S. Gender Medicine, Ideology Eclipses Science. It Hurts Kids », c'est-à-dire « Aux États-Unis, dans la médecine du genre, l'idéologie éclipse la science. Cela nuit aux enfants ». Il en est de même en France actuellement, alors que plusieurs pays d'Europe ont fait machine arrière et ont renoncé à l'application des directives de soins de la WPATH et les ont même parfois interdites.
L'objectif de l'OPS est exclusivement la protection des adolescents contre la mise en place de traitements non validés dont la sécurité n'est pas assurée, cette protection dût-elle s'exercer contre les adolescents eux-mêmes. L'OPS est conscient que les droits de l'enfant, reconnus unanimement par tous les pays, ont une importance capitale.
Les devoirs des parents vis-à-vis des enfants sont tout aussi primordiaux que les droits des enfants : nos enfants nous sont temporairement confiés par l'adulte qu'ils seront un jour. À nous de faire en sorte qu'ils ne nous reprochent pas de leur avoir laissé la liberté d'asservir leur corps en cédant trop vite à un désir souvent transitoire.
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